Une étude de la DARES, publiée en mars 2022, analyse à la loupe les différences d’impacts sur la santé des conditions de travail selon le genre des salarié.e.s. Les conclusions de cette étude marquent les différences de traitements liés au genre dans le monde du travail.
Les clichés travail physique masculin et travail de service féminin ont la peau dure et font perdurer les écarts de présence dans les deux catégorie selon le genre des personnes. Elles ont également des impacts différents sur leur santé, physiques pour les hommes et psychosociaux pour les femmes.
Ce n’est pas une surprise la division du travail reste genrée malgré les progrès de ces dernières années. Les hommes restent exposés à la pénibilité physique (port de charges lourdes, travail dans un environnement agressif), alors que les femmes majoritaire présentent dans les services au sens large, sont exposées à une pression temporelle, les obligeant à se dépêcher ou à exécuter des gestes répétitifs, disposent de moins d’autonomie dans l’organisation de leur travail et comme toujours supportent une charge mentale importante.
Non seulement cela nous renvoie aux inégalités de répartition des genres entre les différents professions, mais dans les mêmes professions également la répartition des activités et des tâches reste genrée.
Au sein des collectifs de travail, les tâches de nature physique sont plus souvent assignées aux hommes, alors que celles impliquant des aptitudes relationnelles le sont plus fréquemment aux femmes.
Conditions de travail différenciées selon la nature de l’activité et la prédominance sexuée des métiers
Les seules conditions de travail permettent de distinguer sept classes de professions qui s’articulent autour de deux grandes lignes de partage. La première distingue les ouvriers des non‑ouvriers, en lien avec la nature plus ou moins physique des tâches, l’autonomie dont disposent les salariés pour les réaliser et l’organisation de leur temps de travail. La seconde est le degré d’interaction avec le public, en lien avec les tensions émotionnelles et les contraintes d’organisation du temps de travail qui peuvent en découler. Elle sépare les salariés engagés dans une relation de service à des clients ou usagers des salariés « de bureau » ou délivrant des services aux particuliers qui bénéficient d’une certaine autonomie pour organiser leur temps de travail.
Les professions masculinisées, exercées par au moins 65 % d’hommes, se partagent entre un premier groupe de métiers exposant à une pénibilité physique élevée, tous des métiers d’ouvriers, et un second groupe de métiers qui en sont généralement épargnés, composé essentiellement de métiers de bureau (cadres, professions intermédiaires et employés) et d’employés de services privés.
Les professions féminisées, exercées par au moins 65 % de femmes, se partagent en deux groupes se distinguant au regard des contraintes d’organisation du travail. Le premier rassemble des métiers assez exposés à ces contraintes : cadres et professions intermédiaires de services au public et employés de services privés. Le second regroupe des employés et des professions intermédiaires effectuant des tâches administratives, ainsi que des employés assurant des services aux particuliers.
Les métiers mixtes se répartissent dans six des sept classes de professions, mais un salarié sur deux exerce un métier de cadre de bureau.
Métiers féminisés de service : Forte exposition aux risques psychosociaux
Le groupe des métiers féminisés de service à des clients ou usagers compte 11 métiers à prédominance féminine, représentant 25 % des salariés. Y sont principalement exercées des activités de soin (30 % des salariés), d’enseignement (15 %), de commerce (15 %) et de nettoyage (15 %), soit par des employés de services privés (agents d’entretien, vendeurs, aides à domicile et aides ménagères, etc.), soit par des cadres et professions intermédiaires de services publics (enseignants, aides‑soignants, infirmiers, sage-femmes, etc.).
Ces salariées sont exposées à de multiples risques physiques et psychosociaux :
- Une organisation de leur temps de travail contraignante, leur laissant peu la possibilité de changer leurs horaires de travail, ou de s’absenter en cas d’imprévu personnel
- Des exigences émotionnelles généralisées : le contact direct avec le public génère des tensions pour une salariée sur deux, (une sur trois dit par ailleurs devoir souvent dissimuler ses émotions)
- Des conflits de valeurs fréquents, par un manquer de formation adéquate et de temps pour correctement effectuer le travail
- Manque de soutien et de reconnaissance, elles considèrent être très mal payées, tout en ayant peu de perspectives professionnelles pour la moitié d’entre elles
- Manque d’autonomie, principalement du fait de l’impossibilité pour 48 % d’entre elles de s’interrompre lorsqu’elles le souhaitent
- Des conditions de travail parfois pénibles physiquement, notamment en raison d’un environnement de travail insalubre (saleté, humidité, courants d’air, mauvaises odeurs, température inadaptée) ou de sollicitations physiques (port de charges lourdes, mouvements pénibles, etc.).
Métiers féminisés de bureau : Peu de contraintes organisationnelles et de pénibilité physique
Le groupe des métiers féminisés de bureau et de services aux particuliers, rassemble en large majorité (83 %) des professions intermédiaires et des employés de bureau, même s’il compte aussi des ouvriers qualifiés de certains secteurs, ainsi que des employés de services aux particuliers.
À l’opposé des métiers féminisés de service à des clients ou usagers, ceux‑ci ne présentent pas d’exposition spécifique aux différents risques. Ils sont peu soumis à des horaires imprévisibles ou en désaccord avec les obligations sociales ou familiales. Le travail en horaires décalés ou le week‑end est peu pratiqué, et les durées de travail sont souvent plus courtes. Les salariées opérant dans ces métiers sont peu soumises à des contraintes physiques, au travail intensif et bénéficient d’une certaine autonomie dans la mesure où elles sont assez peu confrontées à des contraintes techniques de rythme, des objectifs chiffrés et peuvent plus souvent interrompre leurs tâches lorsqu’elles le souhaitent. Elles sont moyennement exposées aux conflits de valeurs, aux exigences émotionnelles et à l’instabilité de leur poste. En revanche, 50% d’entre elles craint de ne pas facilement retrouver un emploi avec une rémunération similaire si elles venaient à le perdre. Il est à noter que dans certains métiers comme les assistantes maternelles, et employées de maison, la pluriactivité est quasiment la règle.
Métiers masculinisés ouvriers : Forte exposition à la pénibilité physique et peu d’autonomie
Les métiers masculinisés ouvrier regroupent essentiellement des ouvriers, qualifiés ou non, tels que des conducteurs de véhicules, des ouvriers du bâtiment, de la maintenance ou de la manutention. Il rassemble 19 % des salariés et 86 % d’hommes .
Ces salariés sont particulièrement exposés à des risques physiques, une large majorité d’entre eux devant effectuer des mouvements douloureux ou fatigants, porter ou déplacer des charges lourdes, être en contact avec des produits dangereux, des fumées ou des poussières ou travailler dans un environnement insalubre. Leur travail, et particulièrement dans l’industrie, peut s’avérer intense, réclamant minutie et concentration et soumettant à des contraintes techniques de rythme. Ces métiers laissent peu d’autonomie, avec des rythmes de travail et des horaires contrôlés, des délais contraints et des consignes strictes à appliquer. Les exigences émotionnelles et les conflits de valeurs sont en revanche moyennement répandus, et les postes exposent assez peu à des changements sans information ou consultation préalable, ou que le salarié juge négatifs pour son travail.
Métiers masculinisés non ouvriers : Peu de risques physiques et une grande autonomie
Les métiers masculinisés non ouvriers regroupent des cadres pour 80% d’entre eux, des employés et professions intermédiaires tels que les cadres commerciaux et technico‑commerciaux, des ingénieurs de l’informatique et de l’industrie, des techniciens et agents de maîtrise de la maintenance, ou encore des agents de gardiennage.
Il rassemble 20 % des salariés et 80 % d’hommes.
Ces salariés sont peu soumis à la pénibilité physique, à l’exception de ceux, très peu nombreux, exerçant un métier de service au public (personnels de la sécurité publique). Ils bénéficient d’une grande autonomie, étant deux fois moins nombreux que l’ensemble des salariés à ne pas pouvoir s’interrompre ou apprendre des choses nouvelles. Ils sont en revanche un peu plus soumis que les salariés des autres groupes à un travail intense, et doivent fréquemment abandonner une tâche pour une autre non prévue avec des objectifs précis à tenir.
Métiers mixtes : Faible pénibilité physique, une certaine autonomie, mais des contraintes organisationnelles
Les métiers dits mixtes rassemblent 21 % des salariés dont 50 % de femmes, regroupant à la fois, des cadres de services administratifs, comptables et financiers, des attachés commerciaux et représentants, ainsi que des cadres de la fonction publique.
Ces salariés ont des conditions de travail proches de celles des salariés aux métiers masculinisés non ouvriers : ils sont peu exposés à la pénibilité physique, au manque de reconnaissance et de soutien, et sont moyennement confrontés à des conflits de valeurs et à l’instabilité de leur poste. Mais ils disposent d’un peu moins d’autonomie que les précédents, ayant moins la possibilité d’interrompre leurs travaux notamment. Ils font davantage face à des exigences émotionnelles, du fait en particulier du contact plus fréquent avec le public. Enfin, ils sont plus fréquemment contraints dans l’organisation de leur temps de travail, ont plus souvent de longues semaines de travail, et travaillent fréquemment le week-end, à la maison ou effectuent des heures supplémentaires.
Au sein des mêmes métiers, plus de risques psychosociaux pour les femmes et de risques physiques pour les hommes
Au sein d’un même métier, les femmes et les hommes peuvent être confrontés à des conditions de travail différentes en raison d’une répartition sexuée des activités et des environnements de travail. Celles et ceux exerçant un métier masculinisé disposent de moins d’autonomie dans leur travail, mais les femmes encore moins que leurs collègues masculins.
La durée de travail peut être un des facteurs explicatifs de ces différences au sein des métiers, les femmes ayant plus fréquemment que les hommes des durées de travail réduites.
Cependant, les risques professionnels auxquels les femmes et les hommes sont les plus exposés sont assez similaires, que les différences de durée de travail soient neutralisées ou non. La catégorie des contraintes organisationnelles fait exception : alors qu’en moyenne les hommes sont davantage confrontés à ces contraintes que les femmes, ces dernières le sont davantage à durée de travail identique.
Tous métiers confondus et à durée identique, les femmes sont moins exposées à la pénibilité physique que les hommes, mais au moins autant à un travail intense et davantage aux autres risques. La plupart de ces surexpositions se retrouvent dans les métiers masculinisés ouvriers, les métiers mixtes et les métiers féminisés de service à des clients ou usagers. En particulier, dans les métiers mixtes, les femmes bénéficient de moins de soutien, de moins d’autonomie et sont davantage soumises aux conflits de valeurs, aux exigences émotionnelles, à l’instabilité de leur poste et à un travail intense. Elles sont aussi davantage soumises aux contraintes organisationnelles dans les métiers de service et les métiers masculinisés ouvriers. Dans ce dernier groupe de métiers où elles sont peu présentes, les femmes n’ont toutefois pas plus que les hommes un travail exigeant émotionnellement ou un poste instable, sujet à des changements. À l’opposé, dans les métiers féminisés de bureau, les hommes, minoritaires, sont plus exposés que les femmes à toutes les catégories de risques, physiques comme psychosociaux, exception faite des exigences émotionnelles.
Les conditions de travail des femmes et des hommes se différencient plus particulièrement sur certains risques. Ainsi, quel que soit le type de métiers qu’elles exercent, les femmes ont plus souvent que les hommes des difficultés à s’absenter en cas d’imprévu et sont plus souvent bouleversées ou émues dans l’exercice de leur activité professionnelle. Hormis dans les métiers féminisés de bureau, elles doivent aussi plus souvent travailler sous pression ou se dépêcher, dissimuler leurs émotions et elles estiment plus souvent manquer de temps pour correctement effectuer leur travail, être mal ou très mal payées au regard des efforts fournis, et craindre pour leur emploi.
Au sein des groupes de métiers féminisés de service et des métiers mixtes, qui rassemblent respectivement 39 % et 21 % d’entre elles, les femmes partagent en outre le fait d’être davantage exposées que les hommes à un trajet domicile‑travail éprouvant, à des interruptions impromptues fréquentes, à une quantité de travail excessive, à un manque de perspectives professionnelles, des consignes strictes à appliquer, des horaires qui s’accordent mal avec leur temps hors travail. Elles sont aussi plus souvent en contact avec le public et, plus fréquemment, leur poste connaît des changements imprévisibles ou mal préparés. Elles éprouvent en outre moins souvent que les hommes un sentiment de fierté du travail bien fait. C’est en particulier le cas pour les médecins non libérales ou les agents d’entretien, enseignantes, infirmières, sage‑femmes ou encore les caissières et employées de libre‑service.
Les hommes sont plus confrontés que les femmes à tous les risques physiques, hormis la pénibilité du trajet domicile‑travail : bruit intense, charges lourdes, posture ou mouvements pénibles, insalubrité, etc. C’est notamment le cas dans les métiers masculinisés non ouvriers. Quel que soit leur type de métier, les hommes sont aussi plus exposés aux vibrations et aux produits dangereux.
Les hommes qui exercent une profession féminisée de bureau se démarquent en étant plus confrontés que les femmes à toutes les catégories de risques professionnels à l’exception des exigences émotionnelles. Par exemple, parmi les employés administratifs de la fonction publique, les hommes vivent plus souvent des tensions avec leur hiérarchie, travaillent le week‑end ou en horaires décalés. Ils partagent ces surexpositions avec les employés administratifs d’entreprise et, comme les professions intermédiaires de la fonction publique, ils sont davantage sollicités en dehors des horaires de travail. Globalement, les hommes exerçant des métiers féminisés de bureau sont plus exposés aux contraintes organisationnelles, notamment à des débordements sur leur temps personnel, mais les femmes déclarent plus souvent avoir des difficultés à s’absenter en cas d’imprévu et être soumises à des horaires rigides.
En conclusion
Les différences de traitements de genres dans les conditions de travail sont une fois de plus défavorables aux femmes. Ce que ne montre pas l’étude, ou l’invisibilise, c’est la propension des femmes à sacrifier leur carrière professionnelle, au profit de leur vie personnelle, de manière contrainte. Le partage des tâches, là aussi genrée, dans la vie quotidienne et familiale, leur impose de ne pas pouvoir répondre aux contraintes d’horaires, de responsabilité dans le travail et donc de ne pouvoir poursuivre une carrière professionnelle pleine et entière avec des perspectives de progression dans l’échelle sociale.
Les hommes, soumis à des contraintes physiques pour la grande majorité ou à des contraintes psychosociales pour les professions non ouvrières, ne mettent pas leur carrière en jeu, bien au contraire, dans ce dernier cas, cela fait même partie d’une forme de virilisation des relations de travail qui leur profite et qu’ils entretiennent pour la plupart afin de conserver cet entre soi genré exclusif.
Il reste beaucoup de progrès à faire…
(Source Etude DARES – Karine Briard)
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