Dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, le salarié jouit de sa liberté d’expression, sauf abus. Un licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par le salarié de cette liberté fondamentale, entraîne l’illicéité du motif du licenciement, et par conséquent entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
En 1991, M.C a été engagé par la société sucrière agricole de Maizy. En 2015, son contrat de travail a été transféré à la société Tereos participations. En 2016, il a pris les fonctions de directeur général de la société Tereos Romania, filiale roumaine du groupe. En 2017, il a été licencié pour faute grave.
Les juges du fond constatent d’abord que la lettre de licenciement articule trois griefs envers le salarié :
Il lui reproche des propos qu’il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe. Dans ce courrier, il mettait en cause le directeur d’une filiale ainsi que les choix stratégique du groupe, en dénonçant la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu’en termes d’infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail
Il a ensuite été relevé que cette lettre adressée par le salarié au président du directoire du groupe faisait référence à l’absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alerté plus tôt sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputable à la gestion antérieure.
Il a enfin été retenu que les termes employés n’étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires
Dans ce cadre, les propos tenus par le salarié envers sa hiérarchie sont-ils de nature à justifier un licenciement pour faute grave ?
La Cour de cassation répond par la négative, en affirmant que le salarié jouit d’une liberté d’expression au sein de l’entreprise, dès lors que cet exercice ne fait l’objet d’aucun abus.
Dans cet arrêt, les juges de la Haute juridiction viennent affirmer que des propos dénonçant les gestions stratégiques et économiques de l’employeur et sa hiérarchie, dès lors qu’ils sont exempts d’injures d’excès ou de diffamation, ne représentent pas un abus de la liberté d’expression du salarié justifiant son licenciement.
En définitive, le licenciement sera requalifié en licenciement nul, et l’employeur condamné à verser à M.C la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civil.
Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2022, n°20-16.060 Publié au bulletin.
Décision – Pourvoi n°20-16.060 | Cour de cassation
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