Cour d’appel de RIOM du 27 février 2024, n° 21/022630
En cas de licenciement, le salarié titulaire d’un mandat extérieur (conseiller prud’homme) doit informer son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable de l’existence de son mandat. Son silence à l’entretien préalable n’est pas déloyal dès lors qu’il démontre que son syndicat avait informé l’employeur en recommandée du renouvellement de son mandat. La circonstance qu’il était en arrêt de travail depuis 3 ans est alors inopérante.
La question est d’importance car elle conditionne entre autre le versement d’une indemnité pour violation du statut protecteur en cas de licenciement sans l’autorisation requise.
Rappelons en effet, qu’un licenciement opéré sans l’accord de l’administration ouvre droit pour le salarié à :
- une indemnité forfaitaire au titre de la violation de son statut protecteur ;
- aux indemnités de rupture de son contrat de travail ;
- une indemnité liée au caractère illicite de son licenciement.
Lorsqu’aucune demande de réintégration n’est formulée, le montant de la première de ces indemnités est égal à la rémunération que le salarié protégé aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, soit 6 mois après la fin prévisible du mandat.
On prend alors le salaire brut comme base de calcul.
Ainsi, doit être pris en considération pour le calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur, la rémunération moyenne du salarié, perçue pendant les 12 mois précédant son arrêt de travail pour maladie.
La Cour de cassation vient par ailleurs de préciser que lorsque le salarié est en partie rémunéré par des commissions, ces dernières entrent en compte dans la base de calcul
Cour de cassation, 1 juin 2023, Pourvoi n° 21-21.191
Dans l’arrêt commenté, une conseillère prud’homme CGT a été licenciée pour inaptitude sans que l’employeur ne demande l’autorisation à l’administration. En arrêt de travail depuis de nombreux mois, et ce jusqu’au jour de la rupture de son contrat de travail, la rémunération à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est le salaire moyen des 12 derniers mois perçu avant l’arrêt de travail.
Condamné par le conseil de prud’hommes, l’employeur saisissait la Cour d’appel en arguant de la mauvaise foi de la salariée sur la base de deux argumentations :
- D’abord, la salariée était en arrêt maladie depuis plusieurs années. Son état de santé ne l’avait pas empêché d’être renouvelé dans son mandat mais il n’avait pas eu à gérer ses absences liées à l‘activité prud’homale. Autrement dit « la société LEROY MERLIN a pu légitiment oublier que celle-ci détenait un mandat extérieur de conseillère prud’homale. Aucun évènement ne lui a donc permis de s’en souvenir pendant ces trois années ».
- Ensuite, c’est en toute connaissance de cause qu’elle n’a rien dit lors de l’entretien préalable connaissant à l’avance la sanction. Ce manquement est d’autant plus important que l’entreprise a fait preuve de bienveillance en l’accompagnant au mieux dans les démarches administratives liées à la rupture de son contrat de travail.
Mais cette version est contestée par la salariée qui au contraire indique avoir discuté de son mandat lors de l’entretien. Cependant, ni elle, ni son employeur n’étaient accompagnés lors de ce rendez-vous ce qui rend inopérantes de telles affirmations. Cette erreur aurait pu lui être fatale mais c’est en articulant d’autres ressorts qu’elle obtint gain de cause.
En effet, depuis l’ordonnance du 31 mars 2016, la liste des conseillers prud’hommes fait l’objet d’une publication officielle (notamment sur le site officiel Légifrance) puisque l’arrêté de nomination des conseillers prud’hommes est publié au Journal officiel.
En outre, les mandataires de listes syndicales doivent notifier à l’employeur de chacun des salariés candidats le nom du salarié de son entreprise qu’il entend présenter sur sa liste de candidats. Cette notification intervient à compter de la date d’ouverture du dépôt des candidatures (L. 1441-22 du Code du travail). La CGT s’était exécutée tout en précisant que cette désignation procurait la protection propre aux représentants du personnel.
Enfin, la conseillère de vente produisait également un courrier simple du Conseil de prud’hommes informant l’employeur du renouvellement de son mandat.
Se ménager des preuves est donc indispensable. Le rôle du salarié est de démontrer que l’employeur était au courant de l’existence du mandat même si cette connaissance est acquise directement par lui ou indirectement, c’est-à-dire en utilisant d’autres voies.
A titre d’exemple, formuler des demandes de congés mentionnant l’exercice du mandat extérieur comme motif d’absence est suffisant à l’acquisition de la protection.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 février 2018, 16-10.955, Inédit
Mais participer à une session de formation dédiée aux conseillers prud’hommes sans que l’employeur ne connaisse précisément l’objet de la session ne permet pas de revendiquer le statut protecteur.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2015, 14-13.232, Inédit
Un défenseur syndical revendiquait le statut protecteur et relevait que la DREETS doit informer l’employeur du salarié, de l’acquisition et du retrait de la qualité de défenseur syndical (D. 1453-2-7 du Code du travail). Mais la Cour ne l’a pas suivi au motif qu’il ne démontrait pas que cette obligation administrative avait été accomplie.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 janvier 2019, 17-27.685, Publié au bulletin
Dans l’affaire commentée, la salariée produisait le courrier du mandataire CGT, envoyé en recommandée, ce qui ne laissait planer aucun doute sur la connaissance du mandat par l’employeur.
Dès lors, l’employeur ayant parfaitement été informé du renouvellement du mandat, peu importait que cette question ait (ou n’ait pas) été abordée lors de l’entretien, la salariée pouvait se prévaloir de la protection.
L’arrêt est en pj
Dominique HOLLE
DLAJ UD CGT 63
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