La petite musique que l’on entend depuis la rentrée sur la nécessité d’augmenter les salaires peut surprendre, notamment venant d’un gouvernement qui pourrait prendre immédiatement deux mesures salvatrices : l’augmentation du Smic (au-delà de l’inflation) et celle du point d’indice des fonctionnaires. Sans être dupes des déclarations qui s’expliquent par un contexte de précampagne présidentielle, les syndicats et les salariés ont d’autant plus leur rôle à jouer pour mettre le patronat face à ses responsabilités, que ce soit dans les branches professionnelles ou dans les entreprises.
Travailleurs essentiels, inflation et aides publiques
L’actualité offre trois arguments solides pour étayer la revendication d’augmenter les salaires.
En premier lieu, la revalorisation des métiers des travailleurs essentiels est devenue une exigence nationale alors que ces 4,6 millions de travailleurs, dits de « deuxième ligne », perçoivent des salaires d’environ 30 % inférieurs (Dares - Analyses, n° 23, mai 2021). Si les discussions sont en cours au sein des branches professionnelles concernées, elles doivent également se dérouler dans les entreprises : quelle revalorisation salariale pour les premiers de corvée ?
Deuxième argument : le retour de l’inflation, chiffrée à 2,6 % en octobre, milite pour des augmentations générales de salaires au moins équivalentes afin de garantir le pouvoir d’achat des salariés. L’aumône annoncée par le gouvernement d’une « indemnité inflation » de 100 euros ne règle en rien le problème : pouvoir vivre décemment de son travail. La récente hausse mécanique du Smic implique d’ajuster les minima conventionnels. Les quarante-cinq branches concernées par des minima inférieurs au Smic doivent revaloriser leurs grilles de rémunération. Le même travail devra être fait dans les entreprises sur l’ensemble des grilles, sans quoi se produira inévitablement un tassement des salaires vers le bas.
Enfin, les montants astronomiques des aides publiques versées aux employeurs depuis le début de la crise sanitaire (activité partielle, fonds de solidarité, exonération de cotisation, etc.) constituent un argument de taille pour obtenir des contreparties sociales au profit des salariés.
L’obligation de négocier les salaires
Les syndicats peuvent s’appuyer sur l’obligation légale de négocier les salaires à laquelle sont astreintes les entreprises ayant au moins une section d’un syndicat représentatif (art. L. 2242-1 à 21 du C. trav.). L’employeur doit convoquer les organisations syndicales représentatives à la négociation tous les ans, à moins qu’un accord d’entreprise ait modifié la périodicité de cette négociation obligatoire, qui doit, au minimum, avoir lieu tous les quatre ans.
Si l’employeur n’a pas organisé cette négociation depuis plus d’un an (ou depuis la durée négociée dans l’accord), les syndicats peuvent l’exiger et il aura alors l’obligation de l’ouvrir dans un délai de quinze jours. L’employeur qui se soustrait à l’obligation périodique de négocier les salaires est passible de sanctions civiles et pénales (art.L. 2243-1 et 2 du C. trav.). Mais rien n’empêche les syndicats de demander une négociation sur les salaires en dehors de ce cadre légal. Cependant, l’employeur n’aura alors aucune obligation et le syndicat devra trouver d’autres moyens de le contraindre à s’asseoir à la table des discussions…
Un levier de mobilisation
Les salariés peuvent être impliqués dans la délégation qui comprend, pour chaque syndicat, le délégué syndical (ou au moins deux délégués en cas de pluralité de délégués dans l’entreprise) et au moins deux salariés. Le temps passé à négocier est payé comme temps de travail et ne s’impute pas sur le crédit d’heures de délégation (art L. 2232-17 et 18 du C. trav.). En outre, dans les entreprises d’au moins 500 salariés, chaque section syndicale dispose d’un crédit de douze heures de délégation par an afin de préparer la négociation (dix-huit heures par an dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés) (art. L. 2143-16 du C. trav.).
La première réunion de négociation définit le lieu et le calendrier des réunions ainsi que les informations que l’employeur devra remettre à la délégation syndicale.
La demande d’informations doit être soigneusement préparée par les syndicats et peut porter sur :
- les salaires : enveloppes d’augmentations allouées les dernières années, moyenne des augmentations individuelles, salaires moyens, minimum et maximum par qualification et par sexe, nombre de salariés n’ayant pas eu d’augmentation l’année précédente, montant global des dix plus hautes rémunérations ;
- les promotions : nombre et répartition par qualification et par sexe, nombre de salariés n’ayant pas changé de qualification depuis cinq ans ;
- les primes : mode de calcul, critères et montants des primes attribuées par qualification et sexe, nombre de salariés concernés ;
- le montant des exonérations de charges ;
- la prévision de l’évolution de l’emploi par qualification ;
- les résultats : évolution du chiffre d’affaires, du résultat et de la masse salariale, budget prévisionnel, dividendes versés aux actionnaires.
L’obligation de négocier ne contraint pas l’employeur à conclure un accord mais il est assujetti à une obligation de loyauté dans le déroulement des négociations. En cas de désaccord, un procès-verbal (PV), déposé auprès de la Dreets (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ex-Direccte), doit consigner les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement. Tant que la négociation est en cours – jusqu’à la signature d’un accord ou l’élaboration d’un PV de désaccord –, il est interdit à l’employeur de prendre des décisions unilatérales en termes de rémunération, sauf si l’urgence le justifie.
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