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Discrimination : La maitrise de la technique de la preuve est un gage de succès pour son procès.

 

En matière de discrimination, la preuve est aménagée : le salarié soumet au juge les éléments de fait laissant supposer son existence, il revient ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

trav. art. L 1134-1

Autrement dit,  si le salarié n’a pas à démontrer qu’il subit une discrimination, il doit tout de même apporter des éléments matériels laissant supposer la réalité de la différence de traitement.

La première étape consiste donc pour le demandeur à présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.

A ainsi été considéré suffisant à remplir son obligation le salarié qui présente les éléments suivants :

Discrimination à l’embauche :

  • Une analyse statistique faite à partir du registre unique du personnel communiqué par l’employeur qui laisse entrevoir que les salariés à patronyme extra-européen accède moins à l’emploi que ceux à patronyme européen.

Cass.Soc., 14 décembre 2022 n° 21-19.658

Discrimination fondée sur une prétendue race :

  • Un écrit du salarié à son employeur qui se plaignait de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail. Il indiquait également que l’un d’entre-deux saluait tout le monde sauf lui et qu’il avait été convoqué par le coordinateur et le chef de secteur pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une autre salariée.

Cass. soc., 14 novembre 2024, n° 23-17.917

Discrimination syndicale :

  • L’absence de réaction efficace de l’employeur à la demande du salarié de reprise d’un poste à l’issue d’un détachement syndical.

Cass. Soc., 31 janvier 2024 n° 22-22.404

  • Un rapport de l’inspection du travail.

Cass. Soc., 15 janvier 2014 n° 12-27.261

  • La méthode CLERC : Elle permet de mettre en évidence l’absence de progression de la carrière d’un salarié.

Exemple : Le salarié présentait un panel de comparaison établi avec des salariés engagés à la même période avec des qualifications équivalentes, En outre, en trente-six ans de carrière, il n’avait fait l’objet que de deux promotions et n’avait plus bénéficié d’un avancement depuis 1997, ce qui laissaient présumer une discrimination en raison de ses origines ainsi qu’une discrimination syndicale.

Cass. Soc., 7 novembre 2018 n° 16-20.759

(Voir le site de la NVO CGT sur cette technique)

Discrimination lié au handicap :

  • Le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou le CSE ; ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures.

Cass. Soc., 15 mai 2024 n° 22-11.652

La procédure civile permet de demander au juge la production au salarié d’élément de preuve détenus par l’employeur Ainsi, l’article 145 du Code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

(145 du CPC)

Ainsi, la formation de référé du Conseil de prud’hommes est compétente pour ordonner, éventuellement sous astreinte, la remise de divers documents comme des fiches de paie ou des contrats de travail de salariés tiers au contentieux à venir.

Les conseillers vérifieront alors quelle mesure d’instruction est indispensable à la protection du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production des pièces sollicitées. Une demande trop large sera rejetée car s’analysant en une mesure générale. Une décision très récente rappelle ce principe et casse un arrêt de la Cour d’appel qui avait ordonné la communication de l’intégralité des bulletins de paie sur tous les mois de chaque année, depuis 30 ans pour un premier groupe de salariés et 20 et 15 ans pour deux autres groupes de salariés,

Cass. Soc., 25 septembre 2024 n° 23-23.557

Cette voie est de plus en plus utilisée en matière prud’homale. En témoignent 2 ordonnances rendues par la juridiction prud’homale de Clermont-Ferrand en matière de différence de salaire dont l’une dans le cadre d’un procès en discrimination syndicale.

(Voir PJ)

Mais le juge doit tout de même prendre quelques précautions avant d’ordonner la production de documents sur lesquels figurent des mentions relevant de la vie privée d’un salarié tiers au procès. En effet, l’adresse de ce salarié, son numéro de sécurité sociale, sa domiciliation bancaire ou une éventuelle saisie sur salaire, sont des indications qui en principe n’ont aucune utilité pour établir une discrimination.

En outre, cette question s’est posée avec plus d’acuité au regard de la RGPD.

Pour la Cour de cassation, la communication de bulletins de paie d’autres salariés pour établir une discrimination syndicale est conforme au RGPD. Cependant, le juge doit veiller à ce que cette production respecte le principe de minimisation des données en ordonnant, même d’office, l’occultation des mentions non indispensables. Il peut également faire injonction aux parties de n’utiliser les données personnelles des tiers à l’instance, contenue dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action pour lesquels ils ont été sollicités.

Cass. Soc., 3 octobre 2024 n° 21-20.979

Enfin, l’opposition des salariés tiers à l’instance ne freine en rien l’office du juge dès lors  que la demande est légitime. Il peut aussi ordonner la communication des données non anonymisées si l’exercice du droit de la preuve l’exige !

Cass. soc., 16 mars 2021, n° 19-21.063, n° 407 F – P

Une fois présentés les éléments de faits laissant supposer l’existence de cette incrimination, il revient alors à l’employeur de prouver que la ou les décisions prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

C’est donc sur l’employeur que pèse principalement la charge probatoire en cette matière. Il doit s’expliquer clairement et précisément sur les pièces et moyens présentés en demande.

Les conseillers prud’hommes veilleront à appliquer scrupuleusement les exigences légales de chacun et à ne pas faire supporter au salarié une obligation excessive qui amoindrirait ses chances de succès. Ils peuvent toujours ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’ils estimeront utiles à la solution du litige.

Dominique HOLLE

UD CGT DLAJ 63

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