NVO Droits – Publié le 6 février 2023 par Tristan Bahlaoui
Si ce passeport a été inscrit à l’article L.4141-5 du Code du travail par la loi n°2021-1018 du 2 août 2021, il a fallu attendre le décret n°2022-1712 du 29 décembre 2022 visant à en préciser les modalités pour en appendre un peu plus sur la mise en place de ce dispositif.
Une plateforme centralisatrice à ouverture progressive
Le passeport de prévention est une plateforme incluant les travailleurs, les employeurs et les organismes de formation.
À compter d’avril 2023, tous les travailleurs et demandeurs d’emploi pourront, s’ils le souhaitent, activer leur passeport de prévention en ligne sur leur compte personnel de formation (mon compte formation). L’objectif serait de centraliser toutes les informations en matière de formation en santé au travail. En effet, le passeport de prévention comprendra les formations, attestations ou certificats dispensés en interne au sein de l’entreprise, y compris à l’étranger, ou en externe, par le biais d’organismes de formation. Il faut noter que les formations antérieures à la mise en œuvre du passeport ne seront pas concernées par ce dispositif.
Courant 2023-2024, les employeurs auront accès à la plateforme. En 2024, ils pourront consulter le dossier de leur salarié, mais seulement avec le consentement de celui-ci.
Les employeurs devront renseigner les formations effectuées par le salarié à leur initiative et les organismes de formation devront mettre à jour ce passeport après les formations qu’ils dispensent.
– être un moyen de contrôle des compétences des travailleurs ;
– constituer un prérequis à l’embauche ;
– être confondu avec les droits du salarié attachés au CPF.
Un nouveau dispositif inadapté et préjudiciable
Très vite, de nombreuses interrogations apparaissent quant à la pertinence d’un tel dispositif et à sa dangerosité.
Tout d’abord, il ne s’agit que d’une nouvelle plateforme : elle ne renforcera pas les obligations patronales en matière de santé et sécurité au travail – par exemple, l’obligation de prévention au travers de formations. On ne peut que déplorer la portée limitée d’un outil numérique qui ne touchera pas l’intégralité des travailleurs. C’est également un moyen pour le gouvernement de brandir ce passeport comme sauf-conduit en matière de politique de santé au travail.
Ensuite, l’une des pierres angulaires de la prévention est la formation continue tout au long de la carrière face aux risques professionnels. Le passeport de prévention risque de graver dans le marbre les formations du salarié, dispensant ainsi le patron de son obligation d’actualisation dans le futur. N’oublions pas le risque de dérive sur le financement de ces formations, aujourd’hui à la charge des entreprises, et qui pourrait demain reposer sur Pôle emploi, voire sur le salarié lui-même.
L’obligation de sécurité est certes une obligation de résultat (Cass. soc. 28 fév. 2002, n° 00-11.793), mais la jurisprudence a ensuite montré que, si un employeur justifiait avoir pris toutes les mesures nécessaires, il remplissait cette obligation (Cass. soc. 25 nov. 2015, n°14-24.444). Le salarié pourrait-il être tenu pour responsable de son accident parce qu’il aurait suivi une formation en santé au travail ou qu’il n’en aurait pas suivi parfaitement les directives ? À ce sujet, les amendements voulant empêcher un dédouanement de responsabilité de l’employeur ont tous été refusés.
Ce passeport de prévention, présenté comme un outil permettant d’améliorer la dynamique entre les divers acteurs de la formation, apparaît finalement comme défaillant, voire néfaste. Sa mise en place progressive nous permettra d’en apprécier directement les conséquences.
Ne manquez rien de l’actualité juridique Abonnez-vous à la newsletter de la NVO Droits
Réagir
Il faut se connecter pour réagir.
Créez un compte ! C'est rapide et gratuit.