L’ancienneté sur le bulletin de salaire fait foi !
Contrairement à une idée très répandue, il n’est pas obligatoire de mentionner l’ancienneté du salarié sur sa fiche de paie. Ni sa date d’embauche. Pourtant, l’ancienneté revêt une importance cruciale dans la relation de travail :
- elle conditionne l’accès à certains droits (congés divers, primes éventuelles, prise d’un mandat…) ;
- elle détermine le montant des indemnités versées en cas de licenciement, rupture conventionnelle, ou départ à la retraite ;
- elle est prise en compte dans le calcul des indemnités allouées par le juge en cas de licenciement abusif.
Lorsque l’ancienneté du salarié figure sur son bulletin de salaire (ce qui est la norme en réalité), ce dernier peut s’en prévaloir devant le juge. Si l’employeur lui a accordé une reprise d’ancienneté en cas de CDD effectués avant le CDI, alors cette mention de l’ancienneté fait foi jusqu’à preuve du contraire.
CDD avant CDI : la reprise de l’ancienneté est-elle obligatoire ?
Tout dépend du cas de figure. D’une manière générale, l’ancienneté d’un salarié est décomptée à partir de sa date d’embauche en CDI au sein de l’entreprise. La question d’une reprise d’ancienneté se pose lorsque le salarié a déjà occupé son poste en CDD. En pareil cas, la règle est la suivante : la période travaillée en CDD doit être prise en compte dans l’ancienneté uniquement lorsque le CDI lui succède immédiatement (art. L. 1243-11 C. trav.). Lorsque le salarié a occupé plusieurs CDD avec des périodes d’interruption, il n’y a donc pas d’obligation de reprise portant sur l’ensemble de ces contrats.
Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, l’employeur peut consentir à accorder une ancienneté supérieure à celle théoriquement acquise lors de l’embauche. Cet engagement peut se matérialiser par une clause spécifique insérée dans le contrat de travail ou, plus simplement, être intégré dans l’ancienneté figurant sur le bulletin de salaire. Dans ce dernier cas, comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 11 mai 2022 (n° 20-21362), cette mention engage l’employeur.
Une promesse… vite oubliée
Cette affaire concernait une salariée embauchée en qualité d’agent d’entretien au sein d’un centre médico-social. Son premier contrat, un CDD, débute le 1er décembre 2010. Suivent plusieurs autres CDD, séparés par des périodes d’interruption. Le 16 mai 2012, la salariée signe un CDI à temps partiel. L’employeur lui accorde une reprise d’ancienneté et mentionne le 1er décembre 2010 comme date d’embauche sur les fiches de paie.
Victime d’un accident du travail, la salariée est licenciée en 2016 pour inaptitude. Problème : l’ancienneté prise en compte pour le calcul de son indemnité de licenciement correspond à la date de la signature du CDI, soit le 16 mai 2012. La reprise d’ancienneté convenue lors de l’embauche est tout bonnement oubliée par l’employeur… et la salariée se retrouve contrainte de saisir le juge.
Malgré des fiches de paie mentionnant une date d’embauche au 1er décembre 2010, elle perd son procès aux prud’hommes, puis devant la cour d’appel. Motif invoqué : les périodes d’interruption entre les CDD empêchent toute reprise d’ancienneté. La salariée ne se décourage pas et se pourvoit en cassation.
Ancienneté sur la fiche de paie = engagement pris par l’employeur
Dans son arrêt du 11 mai 2022 (n° 20-21362), la haute Cour rappelle que la date d’ancienneté figurant sur le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté. À défaut pour l’employeur d’apporter la preuve contraire, cette date est estimée correspondre à l’ancienneté revendiquée par la salariée.
Cet arrêt vient confirmer une position adoptée par les juges de longue date. Dans un arrêt plus ancien, la Cour de cassation a appliqué cette règle à un salarié ayant travaillé chez un autre employeur avant son CDI ; tout en précisant que le contrat de travail n’avait pas à mentionner la reprise d’ancienneté consentie par l’employeur (Cass. soc. 21 septembre 2011, n° 09-72054). Le bulletin de salaire se suffit à lui-même.
Et « Rupture du contrat de travail et contentieux prud’homal : quelles indemnités ? », RPDS 2020, n° 899
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