Les heures supplémentaires font l’objet d’un abondant contentieux devant les juridictions du fond. Depuis 2020, la jurisprudence a choisi d’abandonner la notion « d’étaiement», pouvant selon elle être source de confusion avec celle de preuve, en y substituant l’expression de « présentation par le salarié d’éléments à l’appui de sa demande ».
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2020, 18-10.919, Publié au bulletin
Dans cet arrêt, la Cour rappelle que les éléments présentés par le salarié doivent être suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. De décisions en décisions, le souci permanent des juges est de ne pas faire supporter en totalité la charge de la preuve sur le seul salarié.
Dans un arrêt très récent elle nous donne encore l’occasion d’appréhender ce qu’elle entend par éléments suffisamment précis :
« L’intéressé produit un tableau correspondant à une addition des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées hebdomadairement, de la semaine 30 de 2014 à la semaine 27 de 2017, sans décompte quotidien, sans aucune amplitude horaire de ses journées ou même hebdomadaire ».
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 janvier 2024, 22-17.917, Inédit
Avec cet arrêt, un nouvel exemple nous est donné que la clarification effectuée en 2020 élargie le champ du possible pour ceux qui n’ont pas été rémunérés des heures de travail effectuées.
Ainsi, a également été jugé suffisamment précis :
- Quelques extraits d’agendas repris dans un décompte alors que les deux documents ne concernent qu’une période limitée de la relation de travail et parfois se contredise.
- Un tableau élaboré par le salarié mentionnant uniquement le nombre d’heures supplémentaires réalisées chaque semaine, identique durant plusieurs semaines d’affilée, sans préciser les heures d’arrivée et de départ de l’entreprise.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 mars 2021, 19-17.981, Inédit
- Des tableaux par années indiquant pour chaque semaine le nombre d’heures supplémentaires travaillées selon le salarié, en distinguant les heures majorées de 25 % et celles majorées de 50 %, mais sans aucun décompte au jour le jour, ni dates précises et des horaires,
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2021, 19-17.475, Inédit
- Le salarié présente des récapitulatifs des heures supplémentaires qu’il affirme avoir effectuées par mois et par année, sans préciser les horaires auxquels il prétend s’être soumis.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 septembre 2021, 19-25.502, Inédit
- Des attestations, émanant de voisins, de commerçants, de clients du garage, d’un ami et de son épouse, faisant des constatations ponctuelles.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 janvier 2022, 20-22.898, Inédit
- Le salarié produit un décompte du nombre d’heures effectuées semaine après semaine qui présente des anomalies et des éléments erronés.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juillet 2023, 21-25.747, Inédit
Dès lors que le salarié a présenté des éléments suffisamment précis, il revient à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant, sans être tenu de préciser le détail de son calcul.
Dans de nombreux cas, l’employeur n’apporte aucun élément justifiant des horaires effectivement réalisés par le salarié en se contentant de simples dénégations. Dans cette hypothèse, le juge évaluera le montant des heures non payées sur la seule base des pièces produites en demande et condamnera ce dernier au paiement des heures supplémentaires.
Cette répartition du régime probatoire des heures de travail réalisées par la jurisprudence est de bon aloi au regard du déséquilibre contractuel inhérent au contrat de travail. En effet, souvent les éléments de preuve sont détenus par l’employeur qui se garde bien de les communiquer.
En conclusion, noter ses heures de travail sur un agenda, un calendrier, produire des tableaux excel, des témoignages de collègue est une sage précaution lorsque le temps de travail déborde les limites fixées par le contrat de travail.
Dominique HOLLE
DLAJ
UD CGT 63
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