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Procédure judiciaire et prise d’acte de la rupture du contrat de travail : la Cour de cassation encore à rebours de la Cour de justice de l’union européenne.

Après les congés payés, une nouvelle distorsion entre la Cour de cassation et la Cour de justice des communautés européenne (CJCE) fait débat.

La question posée est celle de la prise en charge par les AGS (Assurance de garantie des salaires) des créances résultant de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.

Avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, la discussion est close. Les créances salariales consécutives à la prise d’acte sont couvertes par les AGS

Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-18.274

Mais quand est-il lorsque la procédure est déclenchée par le tribunal de commerce?

Pour la Cour de cassation, l’intervention de l’AGS en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail pendant la période d’observation est écartée en considérant que les créances visées par l’article L.3253-8, 2° du code du travail s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur ou du mandataire judiciaire.

Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-26.019

Cependant,  les juges européens ne partagent pas cette position et ont eu l’accasion de le faire savoir.

Les faits : Une société a été mise en redressement judiciaire le 26 juin 2018. Le 9 juillet 2018, des salariés ont pris acte de la rupture de leurs contrats de travail. Le 24 juillet 2018, la liquidation judiciaire de l’entreprise a été prononcée.

Dans un premier temps, la saisine du conseil de prud’hommes en date du 31 juillet 2018 se soldait par une inscription des créances salariales au passif de la liquidation judiciaire. En outre, la juridiction déclarait le jugement opposable à l’AGS.

Un recours est formé par les assurances chômage devant la Cour d’appel d’Aix en Provence qui saisissait la CJCE d’une question préjudicielle. Il s’agissait de savoir si la Directive n° 2008/94 du 22 octobre 2008, relative à la protection des salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur permet ou non d’exclure la prise en charge par l’institution de garantie des dédommagements dans ce cas de figure. Ainsi, un salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité peut-il prétendre à cette garantie.

Selon la Cour de justice « la cessation du contrat de travail à la suite de la prise d’acte de la rupture de ce contrat par le travailleur, en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite dudit contrat, considérée par une juridiction nationale comme étant justifiée, ne saurait être regardée comme résultant de la volonté du travailleur, dès lors qu’elle est, en réalité, la conséquence desdits manquements de l’employeur ».

Dès lors ils estiment que ces salariés « se trouvent dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvent les travailleurs dont les contrats ont pris fin à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné ».

Par conséquent les garanties de l’AGS doivent s’appliquer à ces créances salariales.

CJUE, 7e ch., 22 févr. 2024, aff. C-125/23,  Association Unedic délégation AGS de Marseille c/ V et ).

Autrement dit, l’exclusion de la couverture des créances salariales par l’AGS, lorsque le travailleur a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat, alors que la procédure collective est engagée,  est contraire au droit de l’Union européenne.

La Cour de cassation devra donc revoir sa copie. Elle le fera d’autant plus vite si les juges du fond utilisent sans vergogne la décision européenne. 

Dominique HOLLE

DLAJ, UD CGT 63

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