Depuis 2016 et un revirement soudain de jurisprudence, devant les prud’hommes, l’indemnisation d’un préjudice s’apprécie au regard des éléments justificatifs apportés par le salarié.
“Précédemment et contrairement aux autres chambres, la chambre sociale de la Cour de cassation admettait la notion de préjudice « nécessaire » en raison notamment du déséquilibre contractuel inhérent au contrat de travail”.
Ainsi, la réparation est de deux ordres :
- La réparation en nature prend la forme d’actes positifs ou d’abstentions (souvent une remise en l’état de la situation antérieure comme la réintégration du salarié),
- La réparation pécuniaire accorde à la victime des dommages et intérêts qui dépendent de l’évaluation des préjudices réparables. Dans ce cas, la réparation doit être intégrale et couvrir tous les préjudices que le responsable du dommage doit indemniser. Le juge indemnise donc tout le dommage et uniquement le dommage, sans qu’il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime.
Il existe différents préjudices en droit du travail :
- Financier : perte de salaire en tout ou partie, conséquence sur une future pension ou indemnisation, absence de promotion, crédit en cours…,
- Perte d’emploi : durée du chômage, difficulté dans l’accès à l’emploi ou d’en retrouver,
- En raison de l’âge, de l’éloignement géographique des centres industriels,
- La vie familiale : déménagement, changement d’école, démarches administratives engendrées, enfants à charge, situation familiale impérieuse…,
- Moral : harcèlement, discrimination…,
- Corporel : suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Le préjudice est dit nécessaire quand un juge considère que la victime n’a pas à justifier de l’étendue de son préjudice pour en obtenir réparation. Autrement dit, le dommage se déduit de la faute de l’employeur, sans même que le salarié n’ait à présenter des éléments probants pour démontrer qu’il a subi un préjudice découlant directement de cette faute (L . Gratton, Le dommage se déduit de la faute : RTD civ. 2013, p. 275 et s.). Le préjudice est ainsi présumé et, en pratique, impossible à contester utilement par l’employeur : dès lors que son manquement est reconnu, il est condamné.
Mais ces dernière années, la haute Cour semble opérer un retour en arrière qui, sans être complet, est suffisamment important pour qu’on s’y attarde. Ainsi, cause nécessairement un préjudice :
- L’atteinte à la vie privée du salarié.
Cass, soc. 20 mars 2024 n° 22-19.153
- L’atteinte au droit à l’image.
Cass, soc.14-02-2024 n°22-18.014
- Le non-respect des durées maximales du travail.
Cass, soc.26-1-2022 n°20-21.636
- Le non-respect de l’amplitude journalière de travail.
Cass, soc, 7-2-2024 n° 21-22.809
- de l’atteinte au temps de pause.
Décision – Pourvoi n°23-15.944 | Cour de cassation;
- L’absence de mise en place d’institution représentative du personnel.
Cass, soc. 15-5-2019 n° 17-22.224
- La violation d’un intérêt collectif d’une profession.
Cass. soc. 20-1-2021 no 19-16.283
- Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ouvre, à lui seul, droit à la -réparation.
Cass. soc. 27-09-2023 n° 21-24.782
Une nouvelle décision abonde en ce sens. En l’espèce, lors d’un congé maternité, la salariée s’était vue contrainte de poursuivre partiellement son activité professionnelle et demandait des dommages et intérêts à ce titre. Déboutée en appel pour ne pas avoir démontré son préjudice, la décision est cassée au motif que le seul constat selon lequel l’employeur a manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité, ouvre droit à réparation.
Cass, soc. 4-9-2024 n°22-16.129
Petit à petit se forme une jurisprudence dont les militants du droit du travail auraient tort de se priver. A eux d’en faire bon usage en les faisant vivre et surtout en élargissant les cas déjà énumérés.
Dominique HOLLE
DLAJ UD CGT 63
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