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Quand les dispositions supplétives relatives à la désignation des délégués syndicaux font jaser la Cour de cassation (dernières décisions d’avril 2023).

Désignation d’un délégué syndical, les dernières précisions de la Cour de cassation.

Aux termes de l’article L.2143-3 al 1 du Code du travail plusieurs conditions concourent à la désignation d’un délégué syndical. Ainsi, dans une entreprise dont l’effectif est d’au moins 50 salariés, cette possibilité est ouverte aux syndicats représentatifs qui ont constitué  une section syndicale. En outre, le candidat destiné à cette mission doit avoir recueilli à titre personnel et dans son collège 10 % des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections professionnelles

Mais il peut se produire qu’une organisation syndicale représentative ne dispose pas (ou plus) de candidats ayant obtenu 10 % des suffrages à titre personnel dans leur collège. Ou, autre situation, il ne reste plus de candidat aux élections professionnelles remplissant ces mêmes conditions. Dans ce cas, le syndicat pourra désigner un candidat ou un adhérent de son choix voir un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique

Il en va de même lorsque l’ensemble des élus qui remplissent les conditions pour être désigné renoncent par écrit à ce droit. Cette disposition ne figurant initialement pas dans la loi de 2008, c’est celle du 29 mars 2018 ratifiant les ordonnances « MACRON » de septembre 2017 qui consacra cette possibilité.

Des interrogations subsistaient cependant quant à la portée d’une telle renonciation. Par arrêts successifs, la Cour va d’abord préciser que le renoncement vaut pour la durée du mandat. Puis, elle indiquera que le syndicat a toujours la possibilité de désigner un candidat ayant renoncé précédemment à ce droit. Enfin, elle s’est questionnée sur l’obligation de nommer un candidat répondant aux critères légaux, ce dernier ne s’étant pas délié de cette possibilité,  mais qui ne règle plus ses cotisations syndicales.

S’agissant du premier cas, le syndicat pouvait désigner deux délégués syndicaux en raison de l’effectif de l’entreprise. Lors des dernières élections, il obtient quatre élus remplissant la condition de score personnel de 10 %. L’un d’entre eux est désigné délégué syndical, les trois autre renonçant au mandat.

Quelques temps plus tard, le syndicat désigne un adhérent pour occuper le second siège resté vacant.

Le juge d’instance considère alors qu’il n’est pas possible de désigner un adhérent en qualité de délégué syndical sans avoir à nouveau recueilli le renoncement des quatre élus.

Jugement censuré par la Cour de cassation estimant qu’il n’était pas nécessaire, à l’occasion d’une nouvelle désignation d’un délégué syndical, de produire une deuxième renonciation des personnes susceptibles d’être choisies, dès lors qu’elles avaient déjà renoncé à leur droit à l’occasion d’une précédente désignation.

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2020, 19-60.187, Inédit

Cependant, le renoncement intervenu devient-il définitif où peut-il faire l’objet d’un revirement en cour de mandat ? C’est à cette question que vient de répondre la Haute cour.

En l’espèce, en octobre 2019 se déroulait le premier tour des élections dans une entreprise de la restauration collective et un syndicat représentatif désignait sa déléguée syndicale. Cette dernière s’engageait dans le mandat avant d’y renoncer par écrit en juin 2020. Elle était alors remplacée par une autre adhérente.

En juin 2021, elle fut à nouveau désignée déléguée syndicale en remplacement d’un autre délégué.

Soutenant que cette désignation était irrégulière au motif que la renonciation au droit d’être désignée déléguée syndicale valait pour tout le cycle électoral, la société saisissait le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de la deuxième désignation.

D’abord le tribunal, puis la Cour de cassation rejette la requête. Ainsi « la renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d’être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 du code du travail, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical ».

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-23.348, Publié au bulletin

Avec ces deux arrêts, il est établi que la renonciation au droit d’être délégué syndical vaut pour le mandat en cours sauf pour son auteur de changer d’avis.

Enfin, qu’en est-il lorsque le seul candidat disponible ayant obtenu 10 % sur son nom aux dernières élections n’a pas renoncé à son droit d’être désigné mais ne paie plus ses cotisations syndicales depuis 2 ans ? Autrement dit, le syndicat doit-il recueillir par écrit le renoncement d’un candidat remplissant les conditions pour être désigné délégué syndical mais ne payant plus ses cotisations syndicales avant de proposer ce mandat à un adhérent ?

Dans cette affaire, le syndicat CGT avait présenté quatre candidats. Au jour de la désignation litigieuse, deux d’entre eux n’étaient plus salariés de l’entreprise, le troisième avait renoncé par écrit à son droit d’être délégué syndical et le quatrième n’était pas à jour de ses cotisations. L’organisation syndicale mandatait alors un adhérent sur le fondement de l’article  L.2143-3 du Code du travail.

Cependant, pour le tribunal judiciaire, il revenait au syndicat de désigner le quatrième candidat puisque celui-ci n’avait pas renoncé par écrit à son droit, le fait qu’il ne soit pas à jour de ses cotisations syndicales importait peu.

Les premiers juges ne seront pas suivis. Dans son argumentation, la cour fait référence à l’une de ces décisions précédentes qui énonçait que les « onze candidats de la liste aux dernières élections ne cotisent plus depuis plus d’une année à la CGT ou ne sont plus dans les effectifs de la société, ce dont il résultait que la Fédération ne disposait plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de délégué syndical à son profit, le tribunal a dit à bon droit que la désignation par la Fédération d’un adhérent qui n’avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide » (Cass., civile, Chambre sociale, 26 mars 2014, 13-20.398, Inédit). (ici)

Elle récidive donc en précisant qu’il revenait au tribunal, de rechercher, comme le proposait la CGT si le quatrième candidat, « avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’union locale ». N’ayant pas procédé à cette recherche, c’est tout naturellement que la décision est cassée !

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-60.127, Publié au bulletin

Avec cet arrêt, les juges du quai de l’horloge autorisent le syndicat à ne pas désigner un candidat qui n’en serait plus membre. En effet, en ne payant plus ses cotisations il a expressément renoncé à devenir délégué syndical. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !

Dominique HOLLE

DLAJ CGT du Puy de Dôme

 

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