Vu sur NVO.fr le 15 avril 2019, par Dominique Martinez
Du nord au sud, ils avaient vu l’orage arriver. Quand on leur demande si le passage au CSE va entraîner une perte de moyens dans les UD et les UL, la réponse des secrétaires fuse, se teinte d’une gêne, mais reste toujours la même : « Évidemment ! » Grégory Glorian, secrétaire général de l’UD du Pas-de-Calais, qui compte 14 000 syndiqués, abonde : « Il y a moins d’élus, donc moins de militants disponibles pour l’action interprofessionnelle. Les cheminots CGT qui venaient militer dans leur UL, par exemple, seront d’autant moins nombreux qu’ils perdent des sièges d’élus à la SNCF. Ils privilégient le contact direct avec les cheminots et se recentrent sur leur syndicat, c’est compréhensible. »
À cela s’ajoute la baisse des moyens des agents territoriaux qui ont été divisés par deux en huit ans avec la fonte des effectifs de la fonction publique. Pour l’heure, le secrétariat de l’UD a pu maintenir ses trois permanents en puisant dans sa trésorerie pour « financer du détachement ». Pour s’adapter à la restriction imminente des moyens, les modes de fonctionnement ont donc été élargis.
« À chaque fois qu’on croise un camarade susceptible de pouvoir travailler une heure ou deux pour l’UD, on lui propose de faire quelque chose sans que cela nécessite d’être présent sur place ni toute la journée, explique le syndicaliste. Ça peut être produire un tract, un document, un article dans notre journal… On s’adapte aux disponibilités des militants. Et pour se voir, on sort nos agendas et on cale des réunions durant les jours de repos ou en soirée, quand ils sont disponibles. »
Implanter et développer la CGT
Les méthodes de travail ont également évolué. Les échanges par e-mail sont devenus la monnaie courante, « alors que le contact humain chez nous, ça reste important ». Surtout lorsqu’il s’agit d’aller soutenir les syndicats en lutte sur un piquet de grève en pleine journée… Une solidarité que les organisations territoriales auront davantage de difficultés à mettre en œuvre si la baisse des moyens les touche comme elles le craignent.
Pas dupes, les militants qui les animent ont bien compris le danger qui les guette : la désertification, le repli sur soi, le déclin, le rideau. Inquiets mais pas résignés, ils restent plus que jamais convaincus de la force de leur démarche revendicative et s’organisent pour se saisir de l’occasion que constituent les invitations officielles des entreprises à négocier les accords pré-électoraux pour implanter la CGT là où elle n’est pas présente et la développer où elle est encore marginale.
« Nous avons établi en amont plusieurs ciblages d’entreprises où on n’est pas ou peu présents comme nous le faisions pour les élections CE, explique Serge Ragazzacci, secrétaire général de l’UD de l’Hérault. L’idée est de s’y prendre à l’avance, d’aller distribuer des tracts et rencontrer des salariés pour espérer pouvoir, au moment de la négociation du protocole, constituer une liste et là où on est organisé, voir comment on peut travailler avec les syndicats à la préparation de leurs futures élections. »
Campagnes communes
Pour faire face à la multiplicité des requêtes qui tombent régulièrement en cette intense période d’élections professionnelles, priorité a été donnée aux entreprises de plus de 300 salariés pour engranger un maximum de voix et une attention particulière est apportée au déploiement de la CGT dans tous les collèges (ce qui apporterait environ 4 000 voix supplémentaires sur le département).
L’évolution des périmètres des CSE, qui couvrent parfois une région entière, est également une nouvelle donne. Les laboratoires Pierre Fabre, qui rassemblent plus de 7 000 salariés et comptent 10 sites dans la région, font, par exemple, l’objet d’une campagne CGT commune avec une coordination de chaque département, des réunions préparatoires pour aller aux contact des salariés, etc.
Autres cibles : la Mutuelle du bien viellir (MBV) qui compte 5 ou 6 sites sur le département et un seul adhérent CGT dans le collège cadre, ou ERT Technologie, une filiale de SFR d’environ 900 salariés dont 850 maîtrises sur la zone industrielle et commerciale de Pérols qui avait déjà fait l’objet d’une initiative de déploiement de la CGT dans le cadre des mardis de l’urgence sociale. L’année dernière, l’UD 34 a ainsi contribué à réimplanter la CGT dans plusieurs entreprises comme chez Boyé, entreprise industrielle de Bédarieu ou chez SBM Formulation, entreprise de chimie de Bézier, où grâce à la coordination avec l’UL de Bézier, la CGT a fait 72 % aux élections, en juin 2018.
Donner du temps personnel
L’enjeu d’une stratégie coordonnée est d’autant plus important qu’on fait parfois avec des bouts de ficelle. « Au-delà de la coordination entre les organisations territoriales CGT, on manque cruellement de moyens pour envoyer quelqu’un à la négociation, alors que c’est effectivement une opportunité de syndicalisation », explique Dani Coolen, secrétaire général de l’UL de Lens (60 communes, 200 000 habitants et délégué syndical national chez McCain, 1 080 salariés), où l’accord CSE signé a globalement permis de maintenir les dispositions de l’ancien CE et même d’améliorer certains aspects des ASC (activités sociales et culturelles).
Quand on l’interroge sur sa militance à l’UL grâce à son mandat syndical, il répond naturellement : « J’apprends beaucoup de choses utiles aux salariés de mon entreprise en militant à l’extérieur, mais être militant CGT, c’est aussi donner du temps personnel. Mes convictions débordent des heures syndicales… On passe beaucoup de temps à faire face aux mauvais coups, c’est très chronophage. » Très critique vis-à-vis des « journées de mobilisation stériles dont la presse ne parle même plus », il propose que la CGT organise des journées nationales de syndicalisation.
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