Nous poursuivons notre recension des travaux d’évaluation sur la mise en place des CSE. Après avoir présenté le rapport de France Stratégie, celui de l’IRES et de Lyon 2, nous traiterons de celui de Créteil. Il s’agit d’une étude longitudinale, c’est-à-dire d’une étude d’un nombre de cas restreints, ici sept entreprises, sur une période significative. Toutes ces entreprises sont à structure complexe et comptent soit plusieurs CSE d’établissement et un CSE central soit des CSE au niveau de l’UES et un « CSE de groupe conventionnel ».
Une rationalisation des coûts de la représentation
Le rapport relève qu’au sujet de la négociation sur les moyens du CSE, la rationalisation pour les directions passe par « faire le même travail avec moins d’élus » (p. 10). Le rapport précise cependant que « le passage en CSE ne se résume pas à un effet d’aubaine en permettant aux directions d’entreprise de procéder à des économies » (p. 11).
La négociation se serait faite sous contrainte, en s’appuyant sur les dispositions supplétives qui permettent de réduire les droits par rapport aux anciennes institutions. Avec le passage au CSE « la tentation peut être forte (…) pour réduire des moyens » (p. 14) en termes de nombre d’élus et de volume des heures de délégation. Il y a pu également y avoir « des pressions pour réduire le rôle et les ressources attribuées aux suppléants lorsque ceux-ci étaient importants » (p. 73). Avec le passage au CSE, les suppléants n’assistent plus aux réunions sauf accord le permettant. Cela représente donc un important moyen de réaliser des économies pour les directions. Ceci a pu générer des tensions dans la négociation. La négociation a souvent été « paramétrique » (p. 20) contrairement à l’objectif de refondation et d’adaptation poursuivi par la réforme.
S’agissant des moyens, la mise en place de CSSCT a pu être un levier pour maintenir des moyens à disposition des élus en matière d’heures de délégation notamment. Le rapport relève que cette commission a permis de « dépolitiser » (p. 21) les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail par rapport au CHSCT. Mais cela est souvent le fruit d’une reprise de contrôle par l’employeur sur le traitement de ces questions et à l’inverse d’une perte de pouvoir (p. 32) ou d’autonomie (p. 37) des représentants du personnel. Dans ce même mouvement, le rapport constate la volonté des directions de donner un rôle plus central à cette instance. Le rapport souligne que certains y voient un paradoxe. On peut y voir en réalité une cohérence pour les directions à accepter de confier un rôle central à une instance spécialisée qui a été dépossédée de son pouvoir de contrainte sur les décisions des directions. Elles peuvent avoir un rôle central maintenant qu’elles n’ont plus la capacité d’imposer quoi que ce soit à l’employeur.
Une centralisation des instances
La volonté de centralisation dans les entreprises étudiées est « explicite » (p. 12). On voit cependant une injonction paradoxale entre centralisation de l’instance et besoin de proximité. Il y aurait eu une « volonté des négociateurs de maintenir, dans un cadre institutionnel nouveau, les pratiques en place » (p. 13). Le rapport identifie trois cas : le maintien des périmètres anciens, le changement intermédiaire par lequel la définition demeure la même mais se trouve à un niveau plus centralisé, ou le changement du critère de définition des périmètres lui-même. Cette centralisation peut s’appuyer sur des restructurations d’entreprise.
Cette centralisation s’observe également dans la négociation. Le rapport relève en effet que deux entreprises ont négocié des accords-cadres au niveau central afin de guider les négociations au niveau local.
A la recherche de la proximité perdue
La recherche de proximité peut se faire quant à elle au sein des commissions. La CSSCT ou une commission pour les représentants de proximité peut ainsi jouer ce rôle. En préparant les débats, elles permettent aussi un gain de temps dans les réunions du CSE.
Cependant le passage au CSE a pu permettre à l’employeur d’étendre sa présidence dans les différentes commissions et d’acquérir un contrôle sur les ordres du jour et la rédaction des comptes-rendus de celles-ci.
Il y a donc une tension entre la centralisation de l’instance, du CSE, et les problématiques locales qui s’expriment notamment au travers des réclamations. Ces dernières peuvent être traitées en dehors des réunions du CSE afin de ne pas alourdir l’ordre du jour. Mais on sort alors de la logique globale promue avec la fusion des instances et cela amène à couper le CSE de ces problématiques. De ce point de vue, les anciens délégués du personnel restent « un point de référence » (p. 43). Il y aurait cependant une difficulté à mettre en place les représentants de proximité du fait du manque de moyens et de formation, ainsi que du fait de l’absence d’instance formelle structurant leurs missions (p. 49).
Un travail de représentation rendu plus difficile
La concentration des échanges dans une instance centralisée tend ainsi à créer des tensions sur l’ordre du jour et nécessite un important travail préparatoire. Le rapport relève que le temps dédié à chaque point est « une source importante d’incertitude et d’inquiétude » (p. 52). Cela demande également un important travail de coordination, qui repose sur le secrétaire. Cette coordination peut se faire entre syndicats pour compenser le manque de temps auprès des salariés.
Le rapport relève « des discours critiques ou inquiets qui soulignent, tout à la fois un alourdissement de la charge de travail, une intensification du rythme des réunions ou de négociation, une complexification des tâches et une élévation sensible tant du nombre que du niveau de compétences attendues » (p. 64).
Les conséquences de cette centralisation seraient une tendance à la professionnalisation des élus, ce qui risque de les éloigner davantage des salariés (p. 68) et d’affaiblir l’attractivité du mandat (p. 70). Le rapport propose pour cela une meilleure répartition des mandats et des heures de délégation (p. 70) et de renforcer la formation des nouveaux élus (p. 71).
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