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(5/5) Mise en place des CSE : où en est-on ?

Nous concluons notre recension des travaux d’évaluation sur la mise en place des CSE. Après avoir présenté le rapport de France Stratégie, celui de l’IRES, du CERCRID et de Créteil, nous concluons notre recension des dernières évaluations avec le rapport de l’IRERP. Ce rapport porte plus spécifiquement sur la mise en place des représentants de proximité. L’étude se fonde sur huit monographies d’entreprises de tailles différentes et de l’étude de 340 accords collectifs.

 

Un problème : la centralisation

 

Le rapport part du constat du risque de concentration et de centralisation de la représentation du personnel induite par la fusion des institutions représentatives du personnel. Phénomène observé dans les différents rapports recensés.

 

Il est en effet plusieurs fois rappelé l’éloignement de l’instance des collectifs de travail (p. 173) et l’allongement des temps de réunion (p. 176). Tout ceci détache les élus CSE du terrain et nuit à la proximité que l’on pourrait trouver consubstantielle à la fonction même de représentant.

 

Afin de rapprocher le CSE des salariés, peuvent être créés des représentants de proximité. Ils sont nécessairement mis en place par accord collectif. La loi prévoit seulement la possibilité de créer ce mandat et renvoie à l’accord le soin de déterminer leur nombre, leurs missions, leurs modalités de désignation, leur fonctionnement et leurs moyens. 

 

98,5 % des accords étudiés sont signés par des délégués syndicaux. Le facteur le plus influent dans leur mise en place semble être la taille de l’entreprise. Ces différents éléments sont cohérents, plus l’entreprise est grande plus le risque de centralisation de l’instance est élevé, d’où un besoin de créer un mandat de proximité. La taille de l’entreprise influe également sur la capacité d’implantation des organisations syndicales, d’où une part importante d’accords signés par des délégués syndicaux. La signature d’accords sur les représentants de proximité est aussi corrélée aux secteurs d’activité, qui correspondent à ceux ayant la plus forte activité conventionnelle. Seul le secteur de la santé humaine et de l’action sociale a été plus actif dans la conclusion de ce type d’accords que pour d’autres accords.

 

Les monographies ont permis d’étudier des entreprises dont les caractéristiques laissaient penser qu’elles auraient mis en place des représentants de proximité en raison de la structure multi-sites des enjeux de santé et de sécurité et de l’activité conventionnelle.

 

L’étude fait elle aussi apparaître des « négociations asymétriques » (p. 37) bien que celles-ci soient inégalement conflictuelles. C’est un élément déjà relevé dans les autres études, notamment en raison de la négociation sur la base de dispositions légales et du pouvoir important laissé à l’employeur dans la définition des périmètres à défaut d’accord. Les monographies révèlent qu’une tension demeure quand les négociations ont été perçues comme déséquilibrées.

 

Différentes formes de proximité et conceptions de la représentation

 

Cette étude permet d’aborder le traitement de la proximité de la représentation du personnel par le biais des représentants de proximité dans le cadre de la centralisation des instances. Le découpage de l’entreprise permet d’identifier les périmètres censés assurer la proximité en termes de nombre d’élus par salariés, d’espaces de représentation ou de facilité d’accès à certains sites ou collectifs de travail. La définition des périmètres et la capacité des organisations syndicales à constituer des listes sont centrales dans la poursuite de cet objectif.

 

La question du périmètre est centrale dans le tissage du lien de représentation. C’est de ce périmètre que dépend la proximité réelle ou non du représentant vis-à-vis du collectif représenté. A cet égard, le périmètre des représentants de proximité est parfois le même que celui du CSE (31 %), mais il peut être celui d’un établissement distinct ou d’une autre instance comme une commission (34 %) ou être une subdivision de cet établissement.

 

Deux conceptions de la proximité ont pu être retenues : une proximité professionnelle ou géographique. Parfois ces deux conceptions sont utilisées. L’étude révèle que la proximité professionnelle se met en place quand l’entreprise est elle-même organisée avec des pôles ou des secteurs dotés de directions ou de managers, ce qui implique un interlocuteur pour le représentant de proximité.

 

Les monographies soulèvent aussi les enjeux liés au nombre d’élus et à la présence des suppléants. De ce point de vue, les représentants de proximité ont pu être une contrepartie.

 

Les stratégies de négociation révèlent aussi deux conceptions de la représentation. L’une tournée vers « un travail nécessitant des compétences et la maîtrise de certains dossiers » l’autre consistant à « être à l’écoute des salariés » (p. 57). La première étant cohérente avec la professionnalisation des mandats quoiqu’elle implique un éloignement, constaté dans les évaluations, des collectifs de travail.

 

La première conception se fait aussi au profit d’un allongement du temps passé en réunion et d’une spécialisation des élus dans les commissions à défaut de se spécialiser par institution comme auparavant. Les commissions sont par ailleurs un moyen de gérer l’éloignement du CSE et de recréer de la proximité.

 

Différents représentants de proximité

 

Les représentants de proximité sont le plus souvent conçus comme des « succédanés des délégués du personnel » (p. 72). Leur mandat est inspiré de l’ancienne institution mais ne comporte pas le même nombre, les mêmes moyens ou l’ensemble des anciennes missions. Il peut même parfois jouer le rôle de suppléance qu’avaient les délégués du personnel en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (pour l’hygiène…).

 

Le représentant de proximité peut être aussi un référent spécialisé. Ce sera notamment le cas lorsque ses missions sont orientées sur des thématiques particulières telles que la santé, la sécurité et les conditions de travail ou les réclamations. Cette dernière spécialisation « s’accompagne parfois d’une « déconflictualisation » du représentant de proximité » (p. 118) qui s’illustre par la substitution du terme de réclamation par un autre terme à la connotation plus consensuelle. Le rapport de l’Université de Créteil relevait un phénomène similaire avec les CSSCT par rapport aux ex-CHSCT.

 

Ils peuvent avoir aussi des missions originales comme la gestion des activités sociales et culturelles ou des missions de gestion des ressources humaines, notamment sur les politiques d’évaluation et de formation.

 

Parfois les missions sont imprécises. Ce que le rapport a qualifié de représentants de « papier » (p. 127) en ce sens que le mandat est, du fait de l’imprécision de l’accord, une coquille vide. Cela peut notamment être le cas lorsque les employeurs ont utilisé ce mandat comme concession à offrir aux délégués syndicaux dans la négociation sur le CSE.

 

Le représentant de proximité peut servir à décharger le CSE de certaines missions, comme la gestion des activités sociales et culturelles, plus qu’il n’est un véritable mandat de représentant dotés de missions propres. Ce sont alors deux visions de la délégation qui s’opposent.

 

Ces différentes conceptions s’accompagnent donc de rôles différents. Le représentant de proximité peut n’être qu’un « relais ou capteur du CSE » (p. 124) en ce sens qu’il permet de créer un lien de transmission pour les informations de CSE. Soit pour faire remonter les informations au CSE, soit pour faire descendre celles du CSE vers les salariés. Le rapport relève que dans certains cas il peut même être un intermédiaire avec la direction, créant le risque d’une « éventuelle instrumentalisation » (p. 126).

 

Ce rapport relève aussi le rôle des organisations syndicales dans la gestion de la proximité vis-à-vis des salariés. Le rapport interroge donc la conception de la représentation de proximité : « le recul de la loi en matière de représentation du personnel au profit d’une autoréglementation par les partenaires sociaux interroge sur la place qu’occupe l’exigence de proximité dans le système de représentation des travailleurs » (p. 231).

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