Dans la continuité de notre article précédent, nous poursuivons l’étude des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) et plus particulièrement celles transposables dans le cadre de l’activité des représentants du personnel sur le thème de la transformation du travail et de l’emploi.
Nous allons commencer par exposer le constat et les ambitions émises par le groupe « Produire et travailler » de la Convention citoyenne pour le climat :
« Les solutions existent pour réaliser la transition vers une disparition progressive des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le cadre actuel, que ce soit l’orientation des investissements, les règles des marchés publics ou encore l’accompagnement des entreprises et la formation, ne permet pas de répondre pleinement à cet enjeu.
Le passage à une société décarbonée implique de transformer pleinement l’appareil de production ou encore les métiers. De nombreuses entreprises et personnes vont voir leur activité disparaître ou au moins être fortement touchée. Cette transition peut constituer une opportunité pour l’économie et l’emploi mais sans accompagnement, sans dispositifs adaptés, beaucoup pourraient en souffrir.
Enfin, le problème climatique et les émissions de gaz à effet de serre sont globaux. La France comme l’Europe doivent être moteurs, mais nous devons envisager les liens de notre économie avec le reste du monde, les impacts de nos importations et prévenir des effets négatifs, indésirables, de nos propositions de transition en dehors de nos frontières.
Nous souhaitons contribuer à une société décarbonée durable, éthique et juste, respectueuse de la vie et de notre planète. Nous voulons arrêter la destruction de la planète et donner à nos enfants un cadre vivable, débarrassé de toute pollution.
Les propositions du groupe « Produire et travailler » s’inscrivent dans cette logique. Nous voulons produire pour vivre et non pas vivre pour produire.
Nos propositions visent à produire et travailler mieux, de manière responsable en concevant des produits durables et en privilégiant une production locale. Nous demandons l’abandon progressif de toute énergie carbonée.
Tous nos outils de production doivent être transformés et adaptés aux exigences de la transition écologique. Cela demande de l’anticipation pour transformer les comportements de toutes les parties prenantes : citoyens, entreprises ou encore acteurs publics.
Dans une économie globalisée, nous devons nous assurer de prendre en compte cette exigence dans nos importations.»
Le constat et les ambitions de la CCC suivent sans ambages une orientation écologique, bien entendu, mais surtout responsable socialement. La façon dont sont construites les différentes propositions ouvre la voie de leur appropriation par les représentants du personnel, que ce soit au niveau de l’entreprise par les élus au Comité Social et Economique, mais également au niveau des mandatés dans les instances paritaires de branche.
La responsabilisation de tous les acteurs du monde du travail, employeurs et travailleurs, et le nécessaire accompagnement de l’évolution des compétences de toutes et tous face à ce défi de la transition écologique des moyens et des méthodes de production, sont deux tâches que doivent intégrer les représentants du personnel.
Alors quelles sont ces propositions et quelles possibilités de mise en œuvre pour les institutions représentatives du personnel (IRP) ? A chaque proposition de la CCC, nous suggérons des actions pour les IRP, elles ne sont ni exhaustives, ni impératives, mais de simples conseils et ouverture de piste de travail.
Propositions PT1.1 à PT1.5 : Favoriser une production plus responsable, développer les filières de réparation, de recyclage et de gestion des déchets
Nos propositions d’actions des IRP :
- Analyser les impacts sur les métiers par le CSE lors de sa consultation
Tout employeur doit consulter le CSE de son entreprise lorsqu’une de ses décisions impacte les techniques de production (Article L2312-8 du code du travail). Ce sera le cas lorsque l’entreprise fera le choix d’adapter l’organisation et ses méthodes de production dans le cadre de la transition écologique. Cette décision qui devra faire l’objet d’une consultation permettra au CSE d’étudier les effets de cette décision sur l’évolution nécessaire des métiers concernés, les conditions de travail et imposer que les salariés soient accompagnés dans la démarche.
- Respect des obligations en vigueur en matière de recyclage en entreprise et droit d’alerte du CSE
Les élus au CSE ont la possibilité, depuis 2017 et la création des CSE, d’exercer un droit d’alerte environnemental (Article L.4133-2 du Code du travail), notamment lorsque l’activité de l’entreprise peut amener à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement.
C’est ce que tout au CSE devra faire en cas de non-respect par l’employeur de son obligation du tri à la source et à la valorisation des déchets.
Propositions PT2.1 : Développer et soutenir l’innovation de la transition. D’ici 2025 tout soutien à l’innovation doit s’inscrire dans une logique de sortie d’un modèle basé sur le carbone.
Mettre en place une coordination centrale de cette innovation, tout en développant les liens avec les différents territoires et leurs besoins, en particulier pour diffuser les innovations. Ainsi les différents acteurs qui accompagneront la reconversion des entreprises et des métiers seront des acteurs centraux de la diffusion des innovations de la transition.
Nos propositions d’actions des IRP :
- Participer à l’effort de décarbonisation
Les IRP ont donc toute légitimité à agir en matière d’incitation à l’évolution des métiers et aux leviers juridiques dont ils disposent, notamment faire respecter par l’employeur son obligation de formation et d’adaptation à l’emploi des salariés dont les activités seront impactées par la transition. Et ce sera le cas dans l’effort de décarbonisation de la production des entreprises. Par exemple dans le transport, où le passage à des véhicules électriques ou à hydrogène, impose l’adaptation au poste de conduite des salariés concernés.
Propositions PT3.1 : Réglementer l’utilisation de l’épargne réglementée gérée par la CDC et les banques pour financer des investissements verts – Faire évoluer la gouvernance de la CDC pour soutenir cette logique
Nos propositions d’actions des IRP :
- Placement des encours de l’épargne salariale vers des fonds responsables
Les investissements réalisés grâce à l’épargne salariale (intéressement, participation) représente aujourd’hui 47,3 milliards d’euros d’encours en France. La nécessité de contrôle s’impose, afin que cette épargne salariale favorise l’éco-responsabilité.
Les représentants du personnel devront s’en saisir lors des révisions des accords d’intéressement et de participation de leur entreprise en portant les revendications suivantes :
- Sensibilisation et incitation via le calcul de l’intéressement
Inclure dans la formule de calcul de l’intéressement des indicateurs d’incitation afin de responsabiliser l’entreprise en négociant l’augmentation du montant de l’intéressement en cas de non atteinte des objectifs de la politique RSE, responsabiliser les salariés en les incitant à limiter leur consommation d’électricité, d’eau, de papier et de consommables de bureau, à favoriser la mobilité durable. Ces éléments pourront être des indicateurs de calcul de l’intéressement, contraignants.
- Sensibiliser les salariés à travers la réorientation des dépenses des Activités Sociales et Culturelles du CSE vers des offres écologiquement et éthiquement responsables.
Il serait nécessaire dans certains cas de réviser la politique de voyages en limitant l’utilisation de l’avion, rediscuter les choix de partenariats en favorisant des acteurs locaux socialement et écologiquement responsables.
Propositions PT4.1 : Accompagner les salariés et les entreprises dans la transition
A l’issue des échanges avec différents acteurs et experts, et au regard de nos expériences individuelles et collectives, nous considérons en tant que citoyens qu’il faudrait prendre les décisions suivantes (Avis du groupe de la CCC) :
- Anticiper et planifier la reconversion des entreprises ;
- Créer et financer les formations professionnelles initiales et continues ;
- Accompagner les personnes qui perdraient leur emploi, former les personnes et entreprises dont les emplois évoluent.
Propositions d’actions des IRP :
- Anticiper les besoins en compétences des salariés par branche professionnelle
Cette action ne pourra être menée que par les représentants des organisations syndicales de salariés siégeant dans les instances paritaires des différentes branches professionnelles et notamment les Commissions paritaires emploi et formation.
Proposition PT6.1 : Tracer l’impact des émissions, renforcer les obligations relatives aux exigences environnementales et conditionner les financements selon des critères verts et ajouter un bilan carbone dans le bilan comptable de toutes les structures qui doivent produire un bilan – Annualiser le reporting et l’étendre à toutes les organisations
Il s’agit dans cette proposition de renforcer le rôle des CSE dans l’information et la consultation sur le reporting RSE des entreprises.
Les publications d’entreprise concernant leur politique au regard du climat et les émissions de GES liées à leurs activités sont intégrées à leur reporting RSE. Le CSE doit être consulté sur ce rapport et y exercer son droit à expertise. Cette information/consultation a été introduite dans le droit des CSE.
Propositions d’actions des IRP :
- Implication des CSE
Les CSE peuvent d’ores et déjà, lors de la consultation annuelle sur les orientations stratégiques, insister sur l’analyse du caractère durable de leur activité et de leurs métiers au regard de l’impact de la transition écologique sur leur modèle économique. A ce titre, l’expert du CSE pourra analyser le rapport extra-financier actuel et auditer les directions RSE et RH afin de d’examiner la cohérence/convergence de leurs plans stratégiques à court, moyen et long terme.
Propositions PT12.1 : Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux.
- Ecoconcevoir les produits, logiciels, services et développer le réemploi.
Réduire les besoins des services numériques via leur écoconception et rendre obligatoire par une réglementation l’écoconception des sites web et services en ligne publics et des grandes entreprises, comme c’est déjà le cas pour l’accessibilité numérique.
- Promouvoir l’information et l’éducation sur les pratiques de sobriété numérique.
Impliquer l’employeur dans la sensibilisation des salariés sur l’optimisation des impressions, le stockage des données, la limitation du nombre de destinataires d’un mail (multiplier par 10 le nombre de destinataires d’un mail multiplie par 4 son impact carbone).
- Rendre accessibles au consommateur les engagements de neutralité carbone des acteurs du numérique.
La sobriété numérique va avoir un impact sur l’ensemble de la société notamment en imposant à revoir les usages quotidiens, d’orienter autrement les choix d’équipement individuel et collectif.
Cela implique que les organisations (entreprises, services publics, associations, etc.) intègrent la sobriété numérique à leurs pratiques professionnelles et à leur politique d’achat de matériel.
Propositions d’actions des IRP :
- Refonte des Accords sur le numérique
Les accords de branche et d’entreprises négociés sur le thème de la numérisation des activités doivent intégrer les mesures d’incitation à la modération en matière d’achat et d’usage. Les représentants du personnel doivent être les promoteurs de la renégociation ou révision de ces accords.
- Consultation et avis du CSE
Les élus du CSE peuvent donner leur avis, lors de deux consultations, quant aux technologies introduites ou que l’employeur projette d’introduire dans les processus de production :
- Consultation annuelle obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise, incluant la politique recherche et développement de l’entreprise (Article L2312-25 du Code du travail)
- Consultation sur l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise (Article L2312-8 du Code du travail).
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