Nous poursuivons notre série d’articles cette semaine sur l’étude des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat et plus particulièrement celles transposables dans le cadre de l’activité des représentants du personnel concernant le thème des déplacements qu’ils soient individuels dans le cadre de la vie personnelle, domicile/travail, professionnels, ou collectifs.
Constat du groupe « Se déplacer » de la CCC :
« Les déplacements des personnes et le transport de marchandises tels qu’ils sont organisés et effectués aujourd’hui représentent plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Ce total est partagé entre les voitures (52 % du total), les poids lourds (19 %), les véhicules utilitaires (19 %) et les vols intérieurs (4 %). À ce jour, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour atteindre une réduction d’au moins 40 % des émissions d’ici 2030 : le rapport annuel 2019 du Haut Conseil pour le Climat soulignait que ce secteur a « accumulé des retards importants par rapport à la trajectoire SNBC ». Mais on sait que la mobilisation des « gilets jaunes » a été initiée par une réaction à une hausse de la taxe carbone couplée à une hausse du cours du pétrole, ressentie par une partie de la population française comme injuste socialement. On se souvient également de la sensibilité du secteur du transport de marchandises lors de l’épisode des bonnets rouges, en 2013.
Il est crucial d’agir pour changer individuellement et collectivement nos comportements, de modifier la manière dont les transports de marchandises sont organisés, et d’agir sur les véhicules et les territoires pour atteindre les objectifs de réduction de CO2. Il nous faut agir sur les comportements, les technologies et sur l’organisation des territoires.
Ce changement nécessaire est global, car il touche potentiellement toute la population française et tous les acteurs socio-économiques du pays et tous ceux qui le traversent (transporteurs, touristes). Nous avons, au cours de nos échanges et travaux, acquis la certitude que ce changement est possible et souhaitable : en accompagnant la transition pour utiliser les transports autrement, en les combinant, en réaménageant le territoire pour permettre cette évolution, nous pourrons mieux nous déplacer et transporter autrement les marchandises (et parfois moins), tout en garantissant une justice sociale.
Nous tirerons de nombreux bénéfices de cette évolution : pour le climat, mais aussi pour la santé, les liens sociaux et la vitalité des territoires où nous vivons. Pour nous, dès aujourd’hui – certaines propositions peuvent avoir un impact très rapidement, d’autres plutôt en milieu de décennie, et d’autres au-delà. Notre intérêt, et celui des générations futures, sont que ces changements aient lieu rapidement et sans complaisance, en les rendant possibles socialement, avec les propositions de soutien, d’interdiction et d’accompagnement adaptées.
C’est pourquoi, nous proposons une pluralité d’actions, qui touchent les principales causes des émissions de CO2, au travers de 5 familles d’objectifs :
- Modifier l’utilisation de la voiture individuelle, en sortant de l’usage de la voiture en solo et en proposant des solutions alternatives au modèle dominant (voiture thermique et autosolisme)
- Réduire et optimiser le transport routier de marchandises en permettant un transfert modal vers le ferroviaire et le fluvial
- Aider à la transition vers un parc de véhicules plus propres, en réglementant les véhicules déclarés aptes à circuler et en accélérant la mutation par rapport à ce qui est prévu aujourd’hui
- Agir au niveau local avec les entreprises et les administrations pour organiser mieux les déplacements
- Limiter les effets néfastes du transport aérien.
Nous sommes conscients que déjà beaucoup d’actions sont engagées à l’échelle individuelle, professionnelle, locale, régionale, nationale ou européenne. D’autres actions sont plutôt de l’ordre de l’encouragement ou sont en préparation. L’examen attentif des propositions en cours nous a permis de mettre en évidence le besoin d’aller rapidement plus loin, de systématiser certaines propositions, de passer du possible au certain pour d’autres, et de passer d’un champ d’application aujourd’hui limité à une application systématique pour d’autres encore, sans avoir peur d’avoir un impact rapide et de changer les pratiques et comportements.
En matière de lutte contre le changement climatique, nous n’avons pas le temps d’attendre : chaque année compte. Et ce que nous proposons pourra avoir des effets déjà dans quelques années, et au plus tard au milieu de la décennie… »
Propositions SD-A1.1 et SD-A1.3 : Développer les autres modes de transport que la voiture individuelle
- Inciter à utiliser des moyens de transports doux ou partagés, pour les trajets domicile-travail, en généralisant et améliorant le forfait mobilité durable, prévu par la récente loi d’orientation des mobilités,
- Inciter à utiliser des moyens de transports doux ou partagés
Ces propositions auront un impact sur les employeurs et notamment les plus petits, dans les zones dans lesquelles l’offre de transport en commun ou les infrastructures de mobilités douces sont moins développées.
Propositions d’actions des IRP :
- Application de la réglementation en vigueur
Depuis 2020, les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail est introduite dans la négociation annuelle obligatoire en entreprise sur la QVT (Article L 2242-17 du Code du travail). Ainsi les sujets que les représentants du personnel devront y introduire pourront être les suivants :
- La réduction du coût de la mobilité
- L’incitation à l’usage des modes de transport vertueux.
- Forfait mobilité durable
Le forfait mobilité durable peut être mis en place soit par accord sur la QVT, soit par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE si la négociation sur la QVT a échouée. La négociation du forfait pourra atteindre 400€ par an par salarié. La limite de 400€ par an par salarié du montant versé au titre du forfait offre une exonération de cotisations sociales, de CSG-CRDS et d’impôt sur le revenu. Il peut être mis en œuvre pour :
- L’utilisation d’un vélo personnel
- Le covoiturage en tant que conducteur ou passager
- Les services de mobilité partagée
- L’utilisation des transports publics (hors abonnement)
Concernant les véhicules électrique, il pourra aussi être négocié que l’employeur participe aux frais de recharge électrique jusqu’à 400€ dans l’année.
- Télétravail
Au regard de la nécessaire obligation d’agir contre les émissions de GES, et de la situation sanitaire que nous venons de vivre, il est primordial d’ouvrir des négociations à tous les niveaux (branches et entreprises) d’accords de mise en place du télétravail ou de réviser les accords existants.
L’organisation du travail sera l’élément le plus important de cette négociation :
- Critères d’éligibilité au travail et assurer une égalité de traitement entre les salariés
- Modalités d’acceptation par le salarié
- Accompagnement des managers et des salariés
- Le lieu du télétravail qui ne sera pas nécessairement le domicile (espaces coworking, site de proximité, …)
- Situations particulières des travailleurs handicapés
- Clarifier les usages des outils numériques et leurs limites.
Proposition SD-A4.1 à SD-A4.3 : Créer les conditions d’un retour fort à l’usage du train au-delà des voies à grande vitesse
L’ambition est de faire en sorte que le train, peu émetteur de GES, ne soit pas plus coûteux que d’autres moyens de transport plus émetteurs, et qu’il soit plus utilisé. Au-delà des zones urbaines et des grandes lignes, il est difficile d’accéder au train. Il est nécessaire de développer une offre de train sur l’ensemble du territoire et rendre plus attractive l’offre existante, notamment pour les salariés.
Propositions d’actions des IRP :
- Porter la voix des salariés
- Les IRP devront organiser par tout moyen la consultation des salariés sur leurs moyens de transports utilisés lors leurs trajets domicile/travail ou lors de déplacements professionnels
- Inscrire le point à l’ordre du jour d’une réunion CSE et engager la discussion sur les propositions et les besoins des salariés.
Propositions SD-B1.2 : Imposer un suivi régulier de la formation des chauffeurs à l’écoconduite.
L’objectif de la proposition est d’imposer aux transporteurs un suivi régulier, par exemple une fois tous les deux ans au lieu de 5 aujourd’hui, de la formation des chauffeurs poids lourds à l’écoconduite, qui peut permettre au total d’atteindre jusqu’à 15% d’économie de carburant.
Propositions d’actions des IRP :
- Anticipation au niveau de la Branche Transports routiers et activités auxiliaires du transport (CPNEFP)
En effet la quasi-totalité des entreprises du secteur ont des effectifs inférieurs à 50 salariés et n’ont donc pas de délégués syndicaux pour négocier. Elles relèvent des dispositions de leur convention collective de branche.
Propositions SD-B1.6 : Obliger les chargeurs à intégrer des clauses environnementales
Cette proposition a pour objectif de faire peser la contrainte non seulement sur les transporteurs mais aussi sur les plus grosses entreprises commanditaires (c’est-à-dire les chargeurs, et par exemple, les enseignes de la grande distribution) dans la réduction des émissions du transport.
Pour ce faire, nous proposons que les entreprises dont le siège ou un établissement se situe sur le territoire français et dont le chiffre d’affaires annuel est assez important définissent des plans d’action visant à réduire leurs émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre liées au fret. Ces plans seraient régulièrement mis à jour. Ils comporteraient un résumé qui est rendu public et seraient contrôlés
Propositions d’actions des IRP :
- Place potentielle des IRP
Les représentants du personnel peuvent intervenir dans le cadre de leurs prérogatives de protection de l’environnement, au même titre, que le rôle des CSE défini par l’article L4133-2.
Propositions SD-C1.8 : Prévoir un plan de formation pour les garagistes, et plus largement de la filière « pétrole », pour accompagner la transformation progressive du parc automobile
Propositions d’actions des IRP :
- Anticipation au niveau de la Branche
Cette proposition est à l’attention des représentants du personnel mandatés de la Branche des Services de l’Automobile :
- L’Observatoire de la Branche des Services de l’Automobile
- La CPNE – Services de l’Automobile
Propositions SD-D1.1 : Renforcer les plans de mobilité en les rendant obligatoires pour toutes les entreprises et toutes les collectivités
Il s’agit d’impliquer davantage les entreprises et les collectivités au travers d’incitations ou de sanctions dans l’objectif de rendre effectifs et opérationnels les plans de mobilité
Propositions d’actions des IRP :
- Application de la réglementation en vigueur relative à la mobilité douce des salariés
- Favoriser les plans interentreprises et intra-entreprise (covoiturage, ramassage des salariés en bus, vélo…) dans le cadre des plans de mobilité
L’objectif est d’élaborer des proposition d’arrangements locaux pour créer des plans de mobilité « intelligents », inter-entreprises. Ces propositions travaillées avec les salariés et les élus des CSE des autres entreprises locales devront être portées aux réunions CSE.
- Négociation annuelle obligatoire en entreprise sur la QVT
Cette obligation de négociation s’est élargie aux mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail (L’article L 2242-17 du code du travail dispose maintenant un élargissement de la négociation annuelle obligatoire à la QVT et notamment à l’amélioration de la mobilité des salariés sur leur trajet domicile/travail, mentionnant notamment les thèmes de la réduction du coût de la mobilité et l’incitation à l’usage des modes de transport vertueux.
A cette occasion, les plans de mobilité interentreprises et intra-entreprise peuvent être adjoints à cette négociation par les délégués syndicaux lors de la négociation annuelle sur la QVT.
Propositions SD-E2 : Organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 2h30)
Cette suppression de lignes, dans la loi a pour objectif 2030 et non plus 2025. Cependant les conséquences sociales qui en découleront devront faire l’objet d’un accompagnement pour l’ensemble de la filière (compagnies, aéroports de province, sous-traitants, collectivités).
Propositions d’actions des IRP :
- Anticiper au sein des branches
L’impact des conséquences de la transformation du marché de l’emploi des secteurs impactés est conditionné à l’anticipation active des branches professionnelles concernées, notamment la branche du transport aérien et les branches des entreprises sous-traitantes. L’action des mandatés représentants du personnel dans les instances paritaires de branche sera primordiale pour amortir les pertes d’emplois prévisibles. De la même façon la branche du transport ferroviaire devra prendre toute sa part d’anticipation des créations d’emplois nécessaires au développement du transfert de moyen de déplacement induit.
- Mobilisation des IRP au sein de l’entreprise
- Information / consultation du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise
- Négociation annuelle obligatoire sur la GPEC : Article L.2242-20
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