#MeToo, #BalanceTonPorc, depuis quelques années les révélations sur les violences faites aux femmes se multiplient et mettent au grand jour, enfin, la réalité des crimes subies tant de femmes que ce soit dans leur vie personnelle ou dans leur vie professionnelle.
Depuis quelques temps, ce sont ajoutés les #MeTooTheatre et maintenant #MeTooMedias suite aux accusations de viols, agressions et harcèlement sexuel dans le cadre professionnel notamment à l’encontre de Patrick Poivre d’Arvor.
Et demain #MeTooElysee ? Pourquoi pas, nous avons appris ces dernières semaines qu’une affaire de viol d’une militaire dans les locaux du Palais de l’Elysée est instruite depuis juillet dernier.
Les violences sexuelles et sexistes au travail, une scandaleuse réalité
Chaque jour en France, 10 viols ou tentatives de viols se produisent sur un lieu de travail, 20 % des femmes se disent victimes de harcèlement sexuel au travail, 80 % de sexisme, 30 % de femmes harcelées se trouvaient dans une situation d’emploi précaire, 70 % des cas de harcèlement sexuel non dénoncés auprès de l’employeur, 29 % des victimes n’en parlent à personne.
Les violences sexistes et sexuelles sont aussi infligées à toutes celles et ceux qui refusent l’assignation à leur genre et pénalisent également les personnes en raison de leurs orientations sexuelles, quel que soit le sexe.
Paradoxalement et contrairement à ce que l’on a l’habitude de penser, ces violences ne sont pas forcément portées que par l’employeur lui-même, ainsi :
- 41% par des collègues de travail
- 22% par l’employeur
- 18% par le supérieur hiérarchique direct
- 18% par des tiers extérieur à l’entreprise (Fournisseurs et clients)
La mise en place de mesures de prévention et de protection des victimes est donc indispensable pour garantir un environnement de travail sans violences. Il s’agit d’une responsabilité directe de l’employeur car elle s’inscrit dans le cadre de son obligation de moyens renforcée en matière de santé et de sécurité. Au-delà de cette considération, la mise en place d’un environnement de travail sans violences nécessite la mobilisation et la vigilance de tout le collectif de travail.
Pour cela, il est nécessaire de rappeler quelques bases et tout simplement ce que sont les violences sexuelles et sexistes au travail et de différencier les deux dans leurs approches et leurs sanctions.
Les agissements sexistes, un risque professionnel instauré par la Loi du 17 août 2015
Le Code du travail a retenu la définition suivante en son article L.1142-2-1 : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant ou offensant ».
Mais malgré cela, ce sont encore 80% des femmes salariées qui considèrent être régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes, avec des répercussions sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail.
Comment se manifestent les agissements sexistes ?
Les agissements sexistes se manifestent de plusieurs façons, souvent prises à la légère par les hiérarchies, les collègues de travail et même par les victimes elles-mêmes. Ainsi on pourra lister :
- Les remarques et blagues sexistes (blagues sur les blondes par exemple) qui dissimulent le sexisme sous le masque d’un humour unilatéral qui est imposé à l’autre.
- L’incivilité, l’irrespect, le mépris (ne pas donner la parole, interrompre les propos tenus par une femme) sont souvent adressés aux individus d’un même sexe, et constituent une des formes de sexisme hostile.
- Les interpellations familières (« Ma belle », « ma jolie », « cocotte », « la miss », …) font subir à la femme, qui en est victime, une forme de paternalisme infantilisant et dégradant.
- …
Et la liste n’est pas exhaustive.
Et les violences sexuelles ?
Alors que les agissements sexistes ne représentent que 3% des cas, les violences sexuelles sont restées très invisibles jusqu’à ces dernières années, mises souvent sous silence par les victimes elles-mêmes soit en raison de l’atteinte portée à leur santé mentale et physique qui en sont les conséquences directes, soit également par les sentiments de honte vis-à-vis des collègues et même des proches, de peur de représailles ou de culpabilisation inversée.
Ces violences existent malgré tout et doivent être nommées. Ce sont :
- Les captations et la diffusion d’images (upskirting entre autres)
- Le harcèlement sexuel
- Les agressions sexuelles (attouchements, baisers forcés, …)
- Les viols
Les conséquences des violences sexistes et sexuelles au travail
Les conséquences des actes de violences sexistes et sexuelles au travail sont multiples et touchent trois cibles, l’individu (femme victime des violences), le collectif de travail et même l’entreprise.
- L’individu
La victime des violences sexistes et sexuelles au travail vit les mêmes atteintes qu’une femme victime de violences conjugales. La stratégie de l’agresseur opère de la même façon avec les mêmes objectifs.
Ainsi, nous retrouverons la phase d’isolement de la victime qui se coupera elle-même de son réseau professionnel, social, affectif été même familial. Elle se retrouvera seule sans aide extérieure qu’elle rejettera elle-même.
La dévalorisation de la personne sera la seconde étape de l’attaque de la part de l’agresseur, procédant par des propos humiliants, dénigrants, insultants. Cette étape affaiblira la victime lui laissant croire que finalement son agresseur a raison, elle perd alors tout estime d’elle-même, toute confiance en elle et se croit responsable de la situation dans laquelle elle se trouve (inversion de la culpabilité).
Enfin c’est dans cette situation de faiblesse que l’agresseur pourra se trouver en totale domination de sa victime et d’obtenir d’elle tous ses « désirs », la propulsant dans la honte mêlée à de la colère retournée contre elle-même.
La dégradation de la santé mentale évidente, se traduira également par des atteintes physiques (urticaires, atteintes gynécologiques, perturbations du cycle menstruel, perte de libido, …)
- Le collectif de travail
Les situations de violences sexuelles ont des impacts visibles et évidents sur le collectif de travail. En effet, même si la victime essaie de masquer au sein de son équipe, les collègues de travail restent des témoins directs ou indirects des violences subies.
Ces situations vont créer des stress sur les témoins, pouvant déboucher là aussi sur des atteintes à leur santé physique et mentale. Mais trop souvent, ceux-ci essaieront de trouver une issue à leur mal-être en refusant leur soutien à la victime, tentant dans une fausse justification de leur inaction de minimiser les faits, voire même inverser les rôles entre la victime et son agresseur.
Ces attitudes auront pour effet des clivages entre les salariés du collectif de travail, installant ainsi une mauvaise ambiance, dont la victime se sentira encore plus responsable…
- L’entreprise
Pour l’entreprise, ces situations auront un impact sur ses activités, soit par la démotivation ou la démobilisation des salariés, englués dans des collectifs de travail à l’ambiance toxique, la perte de valeurs et de sens.
Trop souvent, les directions d’entreprise, alertées par les représentants du personnel ou leur service RH, sur des situations de violences sexistes et sexuelles, essaieront de régler le « problème » de manière discrète, cachée, niant parfois les atteintes réelles (« Pas de ça chez nous… »). La situation ne sera alors pas réglée, et finira par une publicité extérieure qui portera atteinte à l’image de l’entreprise entière.
Les obligations pour l’employeur
La législation interne au Code du travail impose des obligations à l’employeur et notamment :
- Contribuer à l’amélioration globale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail
- Instaurer le principe fondamental d’adapter le travail à l’Homme
- Evaluer les risques professionnels comme principe générale de prévention
Ces obligations sont renforcées par une obligation de résultat. L’employeur ne peut se contenter de déclarer ou montrer qu’il agit. Ses actions doivent impérativement aboutir au résultat définit et dans notre cas, à ce qu’aucune atteinte à la santé physique et mentale de ses salariées n’advienne.
En ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles, l’article L.1153-5 du Code du travail dispose que « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. ».
L’employeur a dorénavant deux nouvelles obligations spécifiques (Loi du 5 septembre 2018 dite Loi « Avenir professionnel ») et applicables depuis le 1er janvier 2019 :
- « Nomination au sein du CSE d’un.e rérent.e en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (L.2314-1 du Code du travail)
- « Désignation d’un.e référent.e RH chargé.e d’informer et d’accompagner les salarié.e.s en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes pour les entreprises d’au moins 250 salarié.s. » (L.1153-5-1 du Code du travail)
Les sanctions
- Au pénal
Les violences sexistes et sexuelles sont bien sûr soumises à sanctions pénales, dans les termes ci-dessous :
- Punies par une contravention avec un délai de prescription de 1 an
- L’outrage sexiste (Art. 621-1 du Code pénal) : amende de 750€ à 1 500€
- Injure non publique à caractère sexuel ou sexiste (Art. R625-8-1) : amende de 1500€
- Diffusion de messages contraires à la décence (Art. R624-2) : 135# d’amende
- Les délits avec un délai de prescription de 6 ans
- Captation et diffusion d’images (Art. 226-1) : 1 an de prison et 45000€ d’amende
- Harcèlement sexuel (Art. 222-33) : 2 à 3 ans de prison et 30000€ à 45000€ d’amende
- Agression sexuelle (Art. 222-22) : 5 ans de prison et 75000€ d’amende
- Les crimes avec un délai de prescription de 20 ans (30 ans pour les crimes aggravés)
- Le viol (Art. 222-23) : 15 ans de réclusion criminelle pouvant aller jusqu’à la perpétuité en cas de circonstances aggravantes
- Par le Code du travail
Les violences sexistes et sexuelles sont également soumises à sanctions par le Code du travail, dans les termes ci-dessous et en distinguant l’auteur des faits et l’employeur :
- Pour l’auteur des faits : Une sanction disciplinaire
L’auteur peut être un supérieur hiérarchique, un collègue, un autre employé de l’entreprise. Celui ou celle qui adopte ce type d’agissement peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire de la part de son employeur, pouvant aller du simple avertissement et blâme jusqu’au licenciement (selon la gravité des faits).
- Pour l’employeur : Une condamnation à réparer le préjudice subi
En cas de manquement constaté par le juge, l’employeur peut être condamné au paiement de dommages-intérêts couvrant l’ensemble du préjudice subi par la victime.
Pour aller plus loin
Pour aller plus loin, nous ne pouvons que conseiller la formation et l’information de toutes et tous, et surtout des représentants du personnel.
L’information et la sensibilisation de toutes et tous les salariés de l’entreprise peut se faire par des campagnes de sensibilisation aux risques de violences sexistes et sexuelles, comment les repérer et comment agir contre. Ces campagnes de sensibilisation permettront également au victimes ou potentielles victimes de prendre conscience des possibilités d’actions pour contrer leurs agresseurs et dénoncer leurs agissements.
Pour les représentants du personnel, il existe des formations obligatoires pour les référent.e.s créé.es par la loi du 5 septembre 2018 et à la charge de l’employeur. Nous conseillons cependant cette formation à tous les élus du CSE qui doivent être concernés par cette lutte nécessaire entrant dans leurs prérogatives de promotion et de contribution de la santé physique et mentale des salariés, qui dès le mois de mars 2022 seront renforcées d’une co-responsabilité avec l’employeur sur l’obligation de résultat.
D’autres ressources documentaires sont disponibles, notamment le très bon guide de l’Union Générale des Ingénieurs, Cadres et Techniciens CGT, que vous pourrez télécharger ici : https://ugictcgt.fr/violences-sexistes-et-sexuelles/
Et bien entendu, n’oubliez-pas de joindre toutes vos actions de sensibilisation dans la perspective du 25 novembre prochain, date de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
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