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2022 une nouvelle année COVID ?

A l’heure où nous en sommes encore à nous souhaiter le meilleur pour cette nouvelle année 2022, et comme toujours « surtout la santé… », l’actualité est toujours dominée par les questionnements légitimes autour de la politique de gestion de la crise par le gouvernement.

 

Alors pour bien débuter cette année d’analyses et sans positionnement politique partisan, je vous propose un décryptage de la « loi instaurant le passe vaccinal  ».

 

Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, plus communément appelé «  loi instaurant le passe vaccinal  », occupe une grande partie des débats de ce début d’année 2022.

 

Mais comme à l’accoutumée, le détail des mesures de cette loi, adoptée définitivement en seconde lecture par le Parlement et en attente de la décision du Conseil constitutionnel, saisi par des députés de l’opposition à l’heure où j’écris ces lignes, est méconnu du grand public. Comment débattre et se faire une idée d’un projet de loi, quand seules les mesures qui peuvent alimenter le buzz médiatique et servir les discours électoralistes des un.e.s et des autres sont mises en avant ? Nous allons donc essayer, par ce premier article de l’année, d’y voir plus clair et surtout quels impacts en attendre sur le monde du travail.

 

L’état des débats parlementaires

 

Dans un premier temps et à ce jour, faisons l’état des débats parlementaires en cours sur ce projet de loi du gouvernement.

 

Le texte d’origine a été adopté et sans amendement en première lecture, par l’Assemblée Nationale le 6 janvier dernier, puis par le Sénat le 12 janvier, avec un certain nombre d’amendements.

 

Par voie de conséquence, le texte a fait l’objet le jeudi 13 janvier d’une discussion au sein de la Commission mixte paritaire du Parlement pour tenter de trouver un accord sur un texte sans devoir repasser en seconde lecture à partir du 17 janvier. Cette tentative a échoué et les deux assemblées ont repris le texte d’origine en seconde lecture dès le samedi 15 janvier.

 

Le texte adopté finalement dès le lendemain à la fois par l’Assemblée Nationale et le Sénat, ne reprend qu’un seul amendement du Sénat, celui limitant l’obligation du passe vaccinal aux mineurs à partir de 16 ans, âge auquel l’autorisation parentale n’est plus exigée pour se faire vacciner.

 

Dès l’adoption du texte, le Conseil constitutionnel a été saisi par 60 députés de l’opposition, notamment sur les dispositions prévoyant la possibilité (et non plus l’obligation) de contrôles de l’identité du possesseur d’un passe vaccinal par les gérants de restaurants, bars, … et sur la disposition ouvrant la possibilité à un organisateur d’une réunion politique d’exiger la présentation du passe vaccinal.

 

Enfin les saisines en cours visent l’égalité devant la loi des citoyens notamment au regard du droit de repentir introduit par le texte, les modalités de collecte des données de santé, les conditions de contrôles d’isolement et de quarantaine, et sur une obligation vaccinale « masquée ».

 

Laissons le temps au Conseil constitutionnel de se prononcer. Cette loi ne sera applicable qu’après cet avis, prérequis nécessaire à sa publication.

 

L’instauration du passe vaccinal

 

Le passe vaccinal est la mesure qui fait le plus débat et est la plus médiatisée. Le Gouvernement souhaite le mettre en place pour mettre une nouvelle fois la stratégie vaccinale en avant de sa politique de gestion de la pandémie. Selon le calendrier d’origine, c’est à partir du 15 janvier, que le passe sanitaire devait « se transformer » en passe vaccinal, pour toutes les personnes d’au moins 12 ans, et seulement dans les cas suivants d’accès :

  • aux activités de loisirs (salles de sport, musée, théâtre, etc.)
  • aux restaurants et débits de boissons ;
  • aux foires, aux séminaires et salons professionnels ;
  • aux grands centres commerciaux par décision du préfet ;
  • aux transports interrégionaux (des exceptions devraient être prévues, notamment en cas de déplacement pour des motifs impérieux de nature familiale ou de santé).

Il ne sera plus possible de présenter un test négatif pour avoir accès à ces activités. La présentation d’un justificatif de schéma vaccinal complet (2 doses + 1 rappel) sera exigée.

 

Le Conseil d’État, consulté sur ce point, tout en soulignant le caractère contraignant d’un tel dispositif, considère qu’il est “de nature à assurer une conciliation adéquate des nécessités de lutte contre l’épidémie avec les droits et libertés en cause”.

 

Lors des débats au Sénat, plusieurs amendements avaient été adoptés à l’article 1 de la loi, celui qui instaure le passe vaccinal. Notamment, les déplacements interrégionaux pour des motifs impérieux de nature familial ou de santé seraient exemptés de cette obligation. De la même manière, le passe vaccinal ne serait pas exigé pour les convocations administratives ou judiciaires, ni pour les accès aux professionnels du droit.

 

Le Sénat avait apporté une limitation dans le temps, de l’application du passe sanitaire en suspendant son imposition en dessous du seuil de 10 000 hospitalisations. L’exemption des moins de 18 ans à cette obligation avait également été introduite par adoption d’un amendement, tout en conservant l’obligation du passe sanitaire pour les mineurs de 12 à 17 ans.

 

Enfin, l’article 1 prévoit, d’accompagner le contrôle du passe vaccinal par un contrôle de l’identité de la personne présentant le passe à tout professionnel exerçant dans un des lieux concernés par cette obligation. Cette mesure avait également été supprimé suite à plusieurs amendements déposés et adoptés au Sénat, contestant la possibilité pour une personne non détentrice de l’autorité publique (policier ou gendarme) de contrôler l’identité des citoyens, signalant même un effet dangereux pour la démocratie et les libertés individuelles.

 

Sur ce dernier point, un débat existe toujours. En effet, et le Ministre de la santé et de la solidarité l’a rappelé devant lors des débats à l’Assemblée Nationale, ce type de contrôle de l’identité par une personne « non assermentée », ni reconnue détentrice de l’autorité publique, existe depuis février 2016, et mis en œuvre suite à la proclamation de l’état d’urgence sécuritaire faisant suite aux différents attentats terroristes commis en métropole. Il s’agit des contrôles d’identité réalisé par les personnels des compagnies aériennes lors de l’embarquement des passagers. Cette mesure, alors n’avait pas fait débat. Nous pouvons même noter que lorsqu’elle avait été abandonnée en janvier 2018 par la compagnie Air France pour les vols intérieurs, suite à la levée de l’état d’urgence en novembre 2017, le gouvernement avait été poussé, par les réactions politiques de l’époque, à l’imposer à nouveau par un arrêté du 14 mai 2018. Cette mesure est toujours respectée à ce jour pour tous les vols intérieurs ou internationaux.

 

Si nous ne pouvons que nous interroger si l’atteinte aux libertés individuelles est disproportionnée dans ce cas précis et si la prérogative du contrôle déléguée aux personnels des compagnies aériennes est justifiée, il est admis aujourd’hui par l’écrasante majorité des citoyens que cette mesure est juste et doit perdurer dans un esprit de préserver la sécurité des passagers aériens.

 

Pourquoi la réaction est inverse dans le cas du passe vaccinal et donc de la protection de la santé des citoyens, qui rappelons-le, est une responsabilité impérative fixée par la Constitution aux gouvernements de la République française ? Pourquoi celles et ceux qui se sont émus en 2018 de la suppression de ces contrôles dans les aéroports sont les mêmes que ceux qui s’émeuvent aujourd’hui de leur mise en place dans le cas du passe vaccinal ? Sommes-nous face à une réelle revendication du respect des libertés individuelles ou bien devant l’acceptation de la discrimination de certaines catégories de la population ? Les personnels des compagnies aériennes seraient-ils plus légitimes à contrôler l’identité d’un client que les personnels exerçant leur activité dans des lieux de restauration ou de spectacle ?

 

Le Conseil constitutionnel étant saisi de la question de constitutionnalité d’une telle mesure, imaginons qu’il se prononce négativement, alors les contrôles dans les aéroports devront s’arrêter immédiatement. Quel en serait l’impact économique, social et sur le sentiment de sécurité des passagers ?

 

Admettons l’inverse, quels seraient les impacts sur les conditions de travail et sur la santé et la sécurité des salariés chargés de la mise en œuvre de cette nouvelle obligation ?

 

Le débat est vaste et nous n’y répondrons pas ici en quelques lignes, bien entendu, mais ces questions doivent véritablement être traitées avec sérieux, sans émotion et en toute rationalité.

 

L’obligation du passe vaccinal pour les salariés des établissements recevant du public

 

Les salariés intervenant dans les lieux où le passe vaccinal est requis, devront présenter également un schéma vaccinal complet, et l’absence de passe vaccinal entraînera, comme c’est le cas déjà aujourd’hui pour le passe sanitaire, une suspension du contrat de travail, non rémunérée.

 

Il reste une incertitude pour les salariés en cours de vaccination et n’ayant qu’une seule ou deux injections, ainsi que pour ceux possédant un certificat de contre-indication à la vaccination, ou ceux ayant un simple certificat de rétablissement post-covid.

 

Un décret devrait être publié rapidement après publication de la loi, afin de préciser la situation de ces salariés.

 

Il n’y aura pas de passe sanitaire en entreprise

 

Aucun passe sanitaire ne pourra être exigé dans les entreprises où cela n’était déjà pas requis précédemment, sauf celles cités plus haut et recevant du public (soumises au passe vaccinal).

 

Malgré les rumeurs qui circulaient jusqu’à présent, rien dans le texte de la loi, ne fait référence ni à une obligation vaccinale en entreprise, ni à un passe vaccinal ou sanitaire en entreprise, sauf toujours pour celles précitées dans ce dossier.

 

L’obligation du télétravail

 

Pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement rend obligatoire le recours au télétravail pour toutes les activités qui le permettent.

 

La durée rendu obligatoire est de 3 jours minimum et idéalement 4 quand cela est possible dans le contexte professionnel. Cette mesure est rétroactive au 3 janvier 2022 pour une durée de 3 semaines. Des contrôles seront faits par les services des directions départementales du travail et des sanctions pécuniaires seront opposées aux entreprises faisant défaut à cette obligation, via des amendes de 500 € par salarié qui serait en possibilité de télétravailler et dans la limite de 50 000 euros.

 

Jauges pour les grands rassemblements

 

Depuis le 3 janvier 2022, les grands rassemblements sont limités à 2 000 personnes en intérieur et à 5 000 personnes en extérieur. Les concerts où le public doit se tenir debout sont interdits.

 

Les boîtes de nuit étaient dans l’interdiction d’accueillir du public jusqu’au 6 janvier, et les activités de danse interdites dans les établissements recevant du public (bars, restaurants, etc.).

 

Ces dispositions ont été réinscrites dans le texte de loi.

 

Interdiction de consommation d’aliments et boissons lors des activités hors restauration

 

Dans tous les transports collectifs, cinémas, théâtres, salles de sport, la consommation de nourriture et de boisson est interdite. Le port du masque est obligatoire pendant toute la durée de l’activité ou du transport.

 

Ces dispositions intéressent notamment tous les salariés se déplaçant régulièrement dans le cadre de leur activité professionnelle.

 

La consommation de boissons et d’aliments dans les bars et cafés doit se faire de manière assise.

 

Renforcement des contrôles et des sanctions en cas de fraude

 

Les sanctions encourues en cas de fraude au passe sont aussi durcies. Les personnes présentant un passe appartenant à quelqu’un d’autre ou prêtant leur passe risqueront une amende forfaitaire de 1 000 euros dès la première infraction.

 

Le simple fait de détenir un faux passe pourra être puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

 

En conclusion

 

Soyons patients, attendons calmement et sans émotion la décision du Conseil constitutionnel. Peut-être ce projet de loi aurait-il mérité, et certainement même, un débat plus large avec les citoyens. Nous ne pouvons que le regretter, surtout en cette période de pré-campagne présidentielle où les intérêts politiques et électoralistes viennent brouiller le débat nécessaire.

 

Vous avez maintenant en main, l’ensemble des enjeux en question, posés par ce texte de loi, que ce soit au niveau des libertés individuelles et collectives, et de la santé et des conditions de travail.

 

Il sera temps, à partir de son éventuelle publication, en tant que texte réglementaire, de jouer alors nos rôles de citoyens et de représentants du personnel.

 

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