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(3/5) Mise en place des CSE : où en est-on ?

Nous poursuivons notre recension des travaux d’évaluation sur la mise en place des CSE. Après avoir présenté le rapport de France Stratégie et le rapport de l’IRES, nous présentons celui de Lyon 2. Ce dernier se fonde sur huit monographies et l’étude de 200 accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement du CSE. Cette étude porte sur les CSE mis en place dans les PME et les ETI de la région Auvergne-Rhône-Alpes au cours de l’année 2019.

 

L’identification des périmètres

 

Les monographies permettent d’identifier deux groupes d’entreprises. L‘un comprend des entreprises de petite taille, sans implantation syndicale, fonctionnant plutôt selon le modèle paternaliste et l’une selon le modèle des PME innovantes et dynamiques. Le second correspond à des PME de taille plus importante où les relations sociales sont anciennes et institutionnalisées, la mise en place du CSE y a été négocié, et correspondent au modèle des entreprises néo-tayloriennes de service.

 

Pour toutes ces entreprises, on observe une difficulté à stabiliser le périmètre du CSE. Même lorsqu’il y a un accord « l’ensemble des membres, salariés et direction, constate la non effectivité de l’accord et les difficultés de fonctionnement du CSE » (p. 27). Ceci est d’autant plus étonnant au regard du nombre important d’accords à durée indéterminée, puisqu’il s’agit de presque deux tiers des accords étudiés.

 

La négociation d’accords CSE est plus importante dans les entreprises où les effectifs sont eux-mêmes plus importants. On observe par ailleurs qu’ils sont majoritairement conclus par des délégués syndicaux, ce qui est corrélé à la taille de l’entreprise qui favorise l’implantation syndicale. 

 

Les accords de mise en place permettent d’identifier une « centralisation manifeste des CSE dans les entreprises du panel étudié » (p. 86). Cela s’observe au regard de la proportion importante de CSE uniques mis en place puisque cela concerne quatre accords qui abordent ce sujet sur cinq.

 

Une appropriation difficile sans adaptation particulière

 

La création de cette nouvelle instance n’a pas créé automatiquement une appropriation positive par les acteurs. Les accords permettent également d’observer cette appropriation puisqu’il suppose qu’il y ait eu négociation et signature majoritaire, donc acceptation des règles qu’il contient. L’étude révèle cependant que les accords reprennent largement les dispositions supplétives. Cela marque tout de même une appropriation de celles-ci. Les signataires actent le changement. C’est notamment le cas lorsque l’accord reprend la loi en rappelant que les suppléants ne siègent pas lors des réunions contrairement aux anciennes institutions représentatives du personnel, règle que la négociation était tout à fait apte à changer.

 

La possibilité de négocier l’instance représentative du personnel avait pour objectif de l’adapter aux réalités de l’entreprise. Si les premiers accords permettent de singulariser l’instance, ils ne procèdent à aucune adaptation de celle-ci. La singularisation passe par la CSSCT et les représentants de proximité. Du fait de la quasi absence de dispositions supplétives quant à leurs missions et leurs moyens, sans accord sur ces deux dimensions ces instances sont des coquilles vides. Il y a cependant peu de dispositions innovantes qui montreraient une adaptation du CSE lui-même.

 

Un ordre du jour « phagocyté » par les réclamations

 

Les réunions de CSE sont « en quelque sorte phagocyté par la gestion des cas des des réclamations individuelles » (p. 24). Les autres attributions s’en trouvent délaissées, ou tout du moins reléguées aux second rang. La logique globale promue par les ordonnances a conduit à ce que l’instance soit « parfois saturée par un ordre du jour foisonnant » (p. 30). Cela conduit à réintroduire dans les procédures de consultation le formalisme que la fusion des instances devait supprimer.

 

Les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail sont souvent abordées sous un aspect uniquement technique et normatif. C’est-à-dire qu’elle se limite à constater les dysfonctionnements et à rappeler les règles qui auraient pu les empêcher. Les sujets sont soient imposés par la réalité ou soit par la direction. De ce fait, elles « donnent assez peu l’occasion d’interroger le fonctionnement ou les choix organisationnels » (p. 37).

 

L’étude relève que là où il existait des CHSCT actif, la création d’une simple commission n’a pas permis de la maintenir et de créer les conditions d’une activité sur ces questions impulsée par les élus.

 

Entre crainte d’un mandat trop lourd et manque de moyens

 

Certaines décisions sont prises au niveau du groupe, ce qui amène des élus à s’interroger sur leur rôle et les marges de manœuvre qu’ils ont. Ceci vient s’ajouter à un « sentiment d’impuissance » (p. 49) et à une forte instabilité de la représentation du personnel due à des démissions.

 

« Dans certains cas, le sentiment d’une faible efficacité, les difficultés pour exercer son mandat, ou le manque de reconnaissance de l’instance dans l’entreprise, entraînent un repli des élus sur quelques formalismes, le cantonnement à des dimensions techniques, voire la démission ou le non-renouvellement de son mandat » (p. 49)

 

Les élus relèvent également un manque d’informations partagées. Cela conduit, faute de réponses, à revenir sur les sujets sur lesquels ils n’ont pas eu d’information. Cela conduit à une « impression de redondance » (p. 25), ce qui est contre productif au regard de l’objectif de la fusion des instances qui était de réduire le nombre de réunions et d’éviter d’avoir plusieurs réunions sur un même sujet.

 

Les monographies mettent également en avant la peur d’un mandat très lourd, notamment celui de secrétaire. Crainte qui vient donc s’ajouter à la crise des vocations souvent avancée.

 

L’activité des élus souffre de plusieurs obstacles. Le premier est lié à la difficulté d’accès aux situations de travail, du fait de l’encadrement intermédiaire, donc aux collectifs de travail représentés. Le deuxième est lié au manque de temps, en particulier du fait de l’accaparement de celui-ci par les instances et les réunions qui est plus important que celui « dédié aux analyses de terrain et à la rencontre des salariés » (p. 43). Un troisième est dû au manque de ressources externes comme les expertises ou l’appui de la CARSAT ou de l’inspection du travail, notamment du fait de leur méconnaissance, en particulier par les élus non syndiqués. A cela s’ajoutent des accords qui ne sont pas favorables à l’appropriation des différents sujets. Lorsqu’ils adaptent les dispositions supplétives, les accords réduisent les délais de consultation ou encore la temporalité des informations disponibles sur la BDES, permet un contrôle de l’employeur sur le contenu des formations. 

 

Les interrogations sur le travail représentatif de terrain

 

Le travail de terrain est rendu particulièrement difficile. Les élus sont accaparés par les réunions officielles d’une part. Mais ils expriment aussi « leurs difficultés à aller à la rencontre des salariés par manque de temps ou par sentiment de ne pas savoir comment faire pour mener des entretiens, observer ou analyser une situation particulière » (p. 45). Tout ceci dans un contexte de tensions entre la volonté de bien faire et celle de le faire « dans des conditions acceptables par sa hiérarchie, par ses collègues et par soi-même » (p. 44). Les monographies révèlent une faible utilisation des moyens alloués aux élus. 

 

C’est ainsi que dans certains CSE, les élus sont davantage un relais d’informations que de véritables représentants. C’est notamment le cas dans les petites entreprises paternalistes où ils occupent une position intermédiaire entre la direction et les salariés.

 

Ce travail de représentation est d’ailleurs très peu saisi par les accords de fonctionnement et de mise en place du CSE. Ceux-ci se limitent à traiter des heures de délégation, qui sont généralement augmentées pour prendre en compte des mandats spécifiques, quelques fois des réunions préparatoires et lorsqu’ils traitent du lien entre les salariés et leurs représentants, ils se limitent aux moyens de communication à disposition des élus, le plus souvent pour seulement rappeler qu’ils disposent d’un panneau d’affichage. 

 

Se pose également le problème de la posture et de la difficulté à échanger avec l’employeur. Certains élus, en particulier lorsqu’ils ne sont pas syndiqués et appartiennent à un CSE d’une entreprise appartenant au modèle paternaliste, sont confrontés à une « omniprésence du discours patronal » (p 26). L’étude met en avant les difficultés à échanger, et même pour les élus à simplement s’exprimer, dans des entreprises où le chef d’entreprise est charismatique, habitué à prendre la parole, diplômé et a une maîtrise des données économiques et juridiques. Ces différences en matière d’éducation, de formation et d’information influencent la posture des différents membres du comité. Les relations sociales sont caractérisées selon la proximité culturelle et professionnelle entre la direction et les élus, ainsi que les salariés.

 

L’étude conclut donc que « l’abaissement des droits contenus dans les mesures supplétives ne donne pas ou peu prise à la négociation » (p. 116).

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