PROTOCOLE ELECTORAL ET PRESENTATION DES CANDIDATURES :
PRINCIPES ET STRATEGIES
I- PROTOCOLE D’ACCORD PREELECTORAL (PAP)
Négociation du PAP : Contenu de la négociation
• Thèmes obligatoires :
– détermination du nombre et de la composition des collèges électoraux et répartition du personnel
dans les collèges électoraux ;
– détermination du nombre et répartition des sièges entre les différentes catégories de salariés ;
– modalités d’organisation et de déroulement du vote ;
– représentation de certains salariés (travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui
les isolent des autres salariés)
• Thèmes facultatifs :
Le PAP peut aménager des dispositions plus favorables que la réglementation en ce qui concerne:
– L’abaissement ou suppression des conditions d’ancienneté pour être électeur ou éligible,
– La modification du nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors
que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des
dispositions légales au regard de l’effectif de l’entreprise ;
– Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés, déroger aux dispositions
légales fixant à trois le nombre de mandats successifs (disposition PAP obligatoirement à durée
indéterminée)
. Cas Particuliers : Vote électronique et vote par correspondance
• Le recours au vote électronique peut être prévu par accord de groupe ou d’entreprise (et non
d’établissement), soumis aux conditions de validité des accords collectifs de droit commun
En l’absence de protocole préélectoral valide reprenant et visant l’accord ci-dessus et précisant les
conditions de mise en œuvre, les modalités du vote électronique, prévu par l’accord, peuvent être
fixées par l’employeur ou, à défaut, par le tribunal judiciaire saisi avant l’élection
À défaut d’accord, l’employeur peut décider lui-même de recourir au vote électronique. Il établit et
met à disposition des salariés un cahier des charges dans les conditions exposées
L’expression « à défaut d’accord » signifie que l’employeur doit préalablement essayer de négocier
un accord sur le vote électronique et être en mesure de prouver l’engagement des négociations et
leur échec.
Selon l’article R. 2314-5 du code du travail, l’élection peut être réalisée par vote électronique sur le
lieu de travail ou à distance, suivant un cahier des charges respectant les conditions prévues par les
articles R. 2314-6 et suivants. Le second alinéa de l’article R. 2314-6 précise que le système retenu
assure la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour
établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens
d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes.
Le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral,
dont fait partie le principe d’égalité face à l’exercice du droit de vote, même pour des raisons de
confidentialité et de sécurité, sous peine d’annulation des élections (Cass. soc. 1-6-2022 n° 20-
22.860)
• Le recours au vote par correspondance peut être prévu par Le PAP mais également par une
convention collective de branche ou un accord d’entreprise ou un accord de groupe.
Si les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales inscrites dans le PAP ne
prévoient pas le recours au vote par correspondance, l’employeur ne peut pas le mettre
unilatéralement en place.
Si le PAP prévoyant le recours au vote par correspondance a été valablement conclu, le recours à ce
mode de vote ne peut pas être contesté.
A défaut d’accord, le vote par correspondance peut être décidé par l’employeur (s’il justifie de
circonstances exceptionnelles ou de la spécificité des fonctions exercées par les salariés concernés)
ou le tribunal Judiciaire saisi avant l’élection.
Négociation du PAP : Modalités de la négociation (principes et stratégies)
La négociation doit se dérouler dans le respect des principes de sincérité et de loyauté
SINCERITE
L’employeur doit manifester une volonté réelle de négocier et doit organiser une réunion avec les
syndicats ayant manifesté leur intérêt.
Le refus de l’employeur de négocier avec un syndicat intéressé entraîne en lui-même l’annulation
des élections
LOYAUTE
Le principe de loyauté est considéré comme un principe substantiel dont le non-respect est
susceptible d’entraîner la nullité d’un accord.
Il se traduit essentiellement par le respect du droit des organisations syndicales de recevoir une
information utile à la négociation et de la faculté de contrôler cette information.
Exemples :
– L’article L 2242-6 du Code du Travail relatif à la NAO pose le principe de « l’engagement
sérieux et loyal des négociations » et précise notamment que « l’employeur doit également
leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute
connaissance de cause et avoir répondu de manière motivée aux éventuelles organisations
syndicales. »
– L’article 1112-1 du Code Civil, premier alinéa : « Celle des parties qui connait une information
dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès
lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Ce devoir d’information et ce droit de contrôle concernent tout à la fois :
– La détermination de l’effectif de l’entreprise incluant la communication des éléments
relatifs aux effectifs et à l’électorat des salariés mis à disposition par des entreprises
extérieures.
« qu’il appartient à l’employeur responsable de l’organisation de l’élection de fournir aux
organisations syndicales les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et des électorats et que
s’agissant des salariés mis à disposition, il doit, sans se borner à interroger les entreprises
extérieures, fournir aux organisations syndicales les éléments dont il dispose où dont il peut
demander judiciairement la production par ces entreprises ».(Cass. Soc. 26 mai 2010 – Pourvoi
n°09-60400)
« L’employeur est tenu, dans le cadre de la négociation pré-électorale, de fournir au syndicat
participant à la négociation les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de
la régularité de la liste électorale ». (Cass. Soc. 13 mai 2009 – Pourvoi 08-60530)
« Attendu que l’employeur, tenu dans le cadre de la négociation pré-électorale à une obligation
de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, et sur leur demande, les
éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes
électorales, que pour satisfaire à cette obligation l’employeur peut, soit mettre à disposition des
syndicats qui demandent à en prendre connaissance le registre unique du personnel et des
déclarations annuelles des données sociales des années concernées dans des conditions
permettant l’exercice effectif de leur consultation, soient communiqués à ces mêmes syndicats
des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels, notamment
relatifs à la rémunération des salariés. »(Cass. Soc. 6 janvier 2016 – Pourvoi n° 15-10 975)
– Le contrôle du corps électoral pour la fixation du nombre de collèges, la répartition des
sièges et des électeurs entre les différents collèges (contrôle des classifications), pour la
détermination des conditions de la représentation équilibrée femmes/hommes
• Arrêt important : Cass. soc. 9-10-2019 n° 19-10.780 FS-PB, Sté Berthoud agricole c/ Syndicat UL
CGT Villefranche-Beaujolais-Val de Saône :
« Mais attendu que l’employeur est tenu de mener loyalement les négociations d’un accord
préélectoral notamment en mettant à disposition des organisations participant à la négociation
les éléments d’information indispensables à celle-ci ; que, dès lors que la contestation du
protocole préélectoral a été introduite judiciairement avant le premier tour des élections, ou
postérieurement par un syndicat n’ayant pas signé le protocole et ayant émis des réserves
expresses avant de présenter des candidats, le manquement à l’obligation de négociation loyale
constitue une cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions
de validité prévues par l’article L. 2314-6 du code du travail ;
Et attendu que le tribunal d’instance, qui a constaté que l’employeur avait refusé à l’union locale
CGT la communication d’éléments sur l’identité des salariés et leur niveau de classification, au
motif qu’il ne souhaitait pas communiquer des éléments nominatifs et confidentiels à des
personnes extérieures à l’entreprise, et qu’ainsi le syndicat n’avait pas eu accès aux informations
nécessaires à un contrôle réel de la répartition du personnel et des sièges dans les collèges, a pu
retenir que l’employeur avait manqué à son obligation de loyauté et en a exactement déduit que
le protocole préélectoral signé le 11 juillet 2018 était nul, ainsi que les élections organisées sur la
base de ce protocole »
En Conclusion
L’employeur doit mener la négociation préélectorale loyalement en communiquant aux syndicats
(qui le demandent expressément) les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de
l’entreprise, de la régularité de la liste électorale et de la répartition du personnel et des sièges
dans les collèges (DSN « anonymisée » et RUP notamment).
Le juge peut annuler les élections organisées sur la base d’un PAP qui n’a pas été précédé d’une
négociation loyale même si celui-ci a été signé à la condition de double majorité.
La contestation en justice du protocole préélectoral fondée sur un manquement à l’obligation de
négociation loyale doit être introduite avant le premier tour des élections, ou postérieurement
par un syndicat non-signataire du protocole et ayant émis des réserves expresses avant de
présenter des candidats.
Conditions de validité du PAP
Validité du PAP subordonnée à une condition de double majorité :
– il doit être signé par la majorité des syndicats intéressés ayant participé à sa négociation (majorité
en nombre) ;
– parmi ces syndicats signataires doivent figurer des syndicats représentatifs ayant recueilli la
majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections (majorité en voix) ou, lorsque ces
résultats ne sont pas disponibles, la majorité des syndicats représentatifs dans l’entreprise (majorité
en nombre).
Exception : Un accord unanime de l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise est
requis pour :
– modifier le nombre et la composition des collèges électoraux ;
– organiser le scrutin en dehors du temps de travail, sauf en cas de vote électronique.
Dans tous les cas, le protocole préélectoral doit respecter l’ordre public et les principes généraux du
droit électoral (neutralité de l’employeur, liberté et secret du vote, exercice personnel du droit de
vote (pas de vote par procuration) …).
En cas d’échec des négociations
Intervention DREETS : l’employeur doit saisir l’administration afin qu’elle procède à la répartition du
personnel dans les collèges électoraux et des sièges entre les différentes catégories de personnel.
Il ne peut y procéder lui-même que si aucun syndicat ne s’est présenté à la négociation
la négociation loyale du protocole préélectoral est une condition de saisine du Dreets
Suspension du processus électoral et prorogation des mandats jusqu’à la proclamation des résultats
(C. trav. art. L 2314-13, al. 4)
Le Dreets prend sa décision dans un délai 2 mois à compter de la réception de la contestation. Cette
décision est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception portant mention des
voies et délais de recours. Elle peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judicaire dans un
délai de 15 jours suivant sa notification. A défaut de décision à l’expiration du délai de 2 mois
l’employeur ou les organisations syndicales intéressées peuvent saisir, dans le délai de 15 jours, le
tribunal afin qu’il soit statué sur la répartition.(C. trav. art. R 2314-3, al. 2 et 3)
II- REPRESENTATION EQUILIBREE DES FEMMES ET DES
HOMMES : PRESENTATION DES CANDIDATURES ET
SANCTIONS
REGLES DE PRESENTATION DES CANDIDATURES
Pour chaque collège, les listes présentées par les syndicats intéressés (invités à négocier le PAP)
doivent, aux deux tours, respecter une représentation équilibrée femmes-hommes (titulaires et
suppléants)
Ces règles ne s’appliquent pas aux candidatures dites « libres » présentées au second
En conséquence, lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir dans un collège mixte, les listes
doivent :
– être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective au
sein du collège électoral.
– présenter alternativement un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un
des sexes.
– Lorsque le calcul de la part de femmes et d’hommes par rapport à leur proportion sur la liste
électorale n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes,
il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :
• – arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
• – arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
Ces règles sont d’ordre public absolue c’est-à-dire insusceptibles d’aménagement conventionnel.
En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes
inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme
supplémentaire.
Si l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe,
les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté.
Mais ce candidat ne peut pas être en première position sur la liste.
Hormis ce dernier cas, la règle d’alternance n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du
sexe majoritaire
S’il y a 2 sièges à pourvoir dans un collège mixte, la liste de candidats doit alors comporter une
femme et un homme
Dans cette hypothèse, Il n’est donc pas possible de présenter une candidature individuelle (sauf si
collège non mixte auquel cas une candidature individuelle constitue une liste)
Toutefois, si plus de 2 sièges sont à pourvoir, la liste de candidats peut être incomplète, c’est-à-dire
comporter moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors qu’elle respecte la règle de
proportionnalité et comporte au moins un candidat du sexe
Dans ce cas, il convient d’effectuer un recalcul de la proportion femmes-hommes au regard du
nombre de candidats présentés, en ramenant à ce nombre le pourcentage de femmes et d’hommes
représentés dans le collège considéré
(Exemple : si 5 sièges sont à pourvoir dans un collège comportant 175 hommes et 99 femmes, soit
63,87 % d’hommes et 36,13 % de femmes, une liste incomplète ne présentant que 4 candidats doit,
pour être valable, comporter : – 3 hommes : 4 candidats × 63,87 % d’hommes dans le collège = 2,55
arrondis à 3 ; – 1 femme : 4 candidats × 36,13 % de femmes dans le collège = 1,44 arrondi à 1.)
La présentation d’une liste incomplète ne doit pas conduire, par le jeu de recalcul, à priver un sexe de
toute représentation.
La présentation d’une liste incomplète permet de parer la difficulté à trouver suffisamment de
candidats de chaque sexe sans risquer l’annulation de l’élection de certains candidats après le scrutin.
Inconvénient toutefois : lorsque la liste est incomplète, le nombre de voix se calcule en divisant le total
des voix obtenues par cette liste par le nombre des candidats y figurant.
SANCTIONS
La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la
proportion femmes-hommes dans le collège considéré entraîne l’annulation de l’élection d’un
nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en
surnombre sur la liste de candidats par rapport à la proportion de femmes et d’hommes que
celle-ci devait respecter.
Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la
liste des candidats.
L’annulation de l’élection d’un candidat n’a pas d’effet rétroactif (date du jugement). Elle est
donc sans incidence sur sa candidature, ainsi que sur la représentativité des syndicats, fonction
du pourcentage des suffrages exprimés au premier tour
Si annulation de l’élection d’un titulaire il n’est pas possible de désigner un élu suppléant comme
remplaçant
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