Depuis les ordonnances Macron, une nouvelle règle s’applique pour la composition des listes aux élections professionnelles, celle de la « représentation équilibrée des femmes et des hommes » (Article L. 2314-30 du Code du travail). Ces dispositions n’apportent pas d’atteinte disproportionnée à la liberté syndicale, qui garantit le droit pour une organisation syndicale de choisir ses candidates et candidats, en ce qu’elles visent à garantir une égalité entre les sexes. Deux principes reconnus par les traités européens et internationaux que ce texte concilie de manière équilibrée pour la Cour de cassation (Cass. Soc. 13 février 2019, n° 18-17.042).
Calcul de la représentation équilibrée
Le protocole d’accord préélectoral doit contenir pour chaque collège le nombre de femmes et d’hommes qui le compose (Article L. 2314-13 alinéa 2 du Code du travail).
Sur cette base il est possible de calculer le nombre de femmes et d’hommes qui doivent composer la liste. Ce qui permet d’obtenir le pourcentage de femmes et d’hommes dans chaque collège et permet d’établir le pourcentage de candidates et de candidats par rapport au nombre de siège à pourvoir.
Si l’on n’obtient pas un nombre entier, il faut alors arrondir à l’entier supérieur si la décimale est supérieure ou égale à 5 et à l’entier inférieur si la décimale est strictement inférieure à 5.
Exemple
Par exemple, dans une entreprise de 80 salariés devant pourvoir 5 sièges et comprenant deux collèges :
Femmes |
Hommes |
|||
1er collège |
20 |
33.33 % |
40 |
66.66 % |
2e collège |
16 |
80 % |
4 |
20 % |
Total |
36 |
45 % |
44 |
55 % |
Le premier collège doit pourvoir 3 sièges :
Pour 3 sièges à pourvoir, il faut donc calculer 33.33 % de 3 (3 x 0.3333 = 0.99 et 66.66 % de 3 (3 x 0.6666 : 1.99) soit 0.99 femme et 1.99 homme arrondis à 1 femme et 2 hommes.
Le second collège doit pourvoir 2 sièges :
Pour 2 sièges à pourvoir, il faut calculer 80 % de 2 (2 x 0.8 = 1.6) et 20 % de 2 (2 x 0.2 = 0.4) soit 1.6 femme et 0.4 homme arrondis à 2 femmes et 0 homme.
Cependant, chaque sexe doit pouvoir être représenté. Par conséquent, lorsque ces règles de calcul excluent la représentation d’un sexe, il est possible de présenter tout de même une personne de ce sexe, à condition qu’elle ne soit pas en tête de la liste (Article L. 2314-30 alinéa 4 du Code du travail). Cependant, les listes ne sont pas tenues de représenter le sexe ultra-minoritaire (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-23.513 ; n° 18-26.568 ; n° 19-10.855 ; n° 19-13.037 ; n° 18-20.841 ; n° 19-10.826).
Dans notre exemple, il est donc permis de présenter un homme, en seconde position uniquement, pour le deuxième collège.
Présentation par alternance
La liste doit ensuite est composée en respectant une règle d’alternance. Le premier alinéa de l’article L. 2314-30 du Code du travail dispose « les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes ».
Cela n’oblige pas à présenter en tête de liste un candidat ou une candidate du sexe le plus représenté dans le collège mais seulement à alterner afin que la composition du CSE reflète cette proportion de femmes et d’hommes dans l’entreprise. C’est au regard de cet objectif de représentation équilibrée que la Cour de cassation admet une régularisation a posteriori de la liste élue qui ne respectait pas la règle d’alternance mais dont l’élection permet tout de même une représentation équilibrée (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133 ; Cass. soc., 6 juin 2018, n° 17-60.263). Cette régularisation a posteriori est cependant exclue lorsque ce sont les ratures sur la liste qui rétablissent l’ordre de présentation (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 19-12.596).
Exemple
Ainsi, dans notre exemple, cette règle impose de composer la liste ainsi :
1 homme – 1 femme – 1 homme
Il serait en effet exclu de pouvoir présenter l’unique candidate en dernière position. Cependant la question se pose de savoir si elle peut se présenter en première position.
Si l’on prend un autre exemple, pour un collège où la liste doit comporter 4 femmes et 2 hommes. On a alors deux configurations possibles :
1 femme – 1 homme – 1 femme – 1 homme – 1 femme – 1 femme
ou
1 homme – 1 femme – 1 homme – 1 femme – 1 femme – 1 femme
Ces règles s’appliquent à la liste des titulaires ainsi qu’à celle des suppléants (Article L. 2314-30 alinéa 5 du Code du travail), qui sont deux listes à part. Cependant, rien n’oblige à présenter le même ordre pour les deux listes.
Exemple de bulletins de vote :
Avertissement : Il s’agit d’un exemple pour montrer comment peuvent se composer les listes. Le bulletin en lui-même peut être soumis à des conditions particulières selon le protocole d’accord préélectoral et son contenu.
Une fois la liste composée, il faut l’envoyer à l’employeur par courrier recommandé avec accusé de réception. Avant même d’avoir terminé de composer sa liste, il est possible de déclarer son intention de présenter une liste en indiquant les futures candidates et candidats afin de leur faire bénéficier d’une protection.
Attention, la liste doit être déposée au nom du syndicat (pas de l’UL, de l’UD, de la fédération ou de la confédération, en cas de recours la partie adverse pourrait exciper de l’absence de droit à agir – par exemple si l’on présente la liste seulement sous le nom « CGT » alors seule la confédération a un intérêt à agir en cas de litige et pas le syndicat).
En cas de liste incomplète…
Il est possible de présenter une liste incomplète (Cass. Soc. 17 avril 2019, n° 17-26.724). En conséquence, si l’on manque de candidates ou de candidats, il ne faut en aucun cas compléter la liste en présentant des candidates ou des candidats de l’autre sexe. Ils seraient alors en surnombre et leur élection serait annulée en cas de recours de l’employeur ou d’une autre liste.
La chambre sociale de la Cour de cassation conseille cependant de rapporter les pourcentages de femmes et d’hommes au niveau des personnes que l’on est en mesure de présenter. Elle indique ainsi dans sa lettre spéciale de décembre 2019 que « si ce pourcentage est respectivement de 40% et 60% et que le nombre de sièges à pourvoir est de 10, un syndicat qui présente une liste complète devra avoir 4 candidates et 6 candidats, un syndicat qui présente seulement 5 personnes devra avoir 2 candidates et 3 candidats ». Elle semble donc hostile à ce que l’on présente la totalité des candidats d’un sexe dans l’hypothèse où l’on manque de candidats de l’autre sexe. Dans son exemple, on pourrait envisager la situation où le syndicat n’aurait pas ses 6 candidats mais aurait ses 4 candidates. Il semblerait que présenter 4 candidates puisse conduire à l’annulation de 2 mandats.
Cette position n’apparaît pas forcément cohérente avec la volonté de faire prévaloir le principe de participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise, présente dans la décision 2018/720 du 13 juillet 2018 du Conseil constitutionnel relative à l’organisation d’élections partielles lorsqu’un collège n’est plus suffisamment représenté à la suite de l’annulation de l’élection d’élu·e·s du sexe surnuméraire.
En cas d’annulation de l’élection d’élu·e·s…
Le non-respect des règles relatives à la composition des listes entraîne l’annulation des élu·e·s du sexe surnuméraire. Si deux hommes pouvaient être élus sur la liste et que trois candidats de cette même liste ont été élus, le troisième verra son élection annulée (Cass. Soc., 17 avril 2019, n° 18-60.173). Normalement « le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats » aux termes de l’article L. 2314-32 alinéa 3 du Code du travail. La Cour de cassation a quant à elle décidée qu’il fallait annuler l’élection des élu·e·s d’une liste en fonction de leur audience lors du scrutin (Cass. Soc., 17 avril 2019, n° 18-60.173). Dans le cas d’espèce, deux hommes avaient été élus au lieu d’un seul. Le deuxième sur la liste avait réalisé un meilleur score que le premier. La Cour a suivi les résultats de l’élection, et non l’ordre de présentation sur la liste par le syndicat, en annulant l’élection du premier. Il apparaît que cette interprétation est contra legem puisque le texte dispose bien de « l’ordre inverse de la liste des candidats », ce qui semble plutôt se rapporter à l’ordre de présentation et au respect de la décision du syndicat qui est seul habilité à déterminer qui il estime être le plus apte à le représenter et qui il veut présenter en priorité.
Attention la liste peut faire l’objet d’un contentieux préélectoral, reportant la date de l’élection (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-26.568).
Lorsque plusieurs élu·e·s voient leur élection annulée, ils ou elles ne sont pas automatiquement remplacées. Cela représente donc une perte d’élu·e·s pour le syndicat et une baisse supplémentaire du nombre de représentantes et représentants pour les salarié·e·s. Cependant, lorsqu’un collège n’est plus suffisamment représenté, suite à des annulations par exemple, des élections partielles doivent être organisées (Cons. Const., 13 juil. 2018, n° 2018/720). Il faut pour cela que le nombre d’élu·e·s soit inférieur de moitié à ce qu’il devrait être selon l’article L. 2314-10 du Code du travail.
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